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Quel que fût le parti qui l’emportât, des amis de la liberté ou de la contre-révolution, on pouvait s’attendre à d’affreux forfaits. Les uns et les autres avaient un terrible instrument tout prêt dans la populace, mobile et barbare, une race métis et trouble, celto-grecque-arabe, avec un mélange italien. Nulle n’est plus inquiète, plus bruyante, plus turbulente. Ajoutez une organisation de confréries, de corporations, infiniment dangereuse, des bandes de mariniers, d’artisans, de portefaix, les plus violents des hommes. Et si cela ne suffit, les rudes vignerons de la montagne, race âpre et féroce, viendront frapper au besoin.

Éléments vraiment indomptables, qu’on lâchait fort aisément ; mais qui les eût dirigés ? On dirige le Rhône encore et les torrents qui déchirent les âpres vallées du Comtat ; mais les tourmentes subites qui tout à coup, noires et terribles, flottent autour du Ventoux, qui pourra les arrêter ? Il faut, quand elles descendent, qu’elles hachent, brisent, déracinent, emportent tout devant elles.

Dans un pays ainsi préparé, tout devait tourner en fureurs. Le beau moment de juin et juillet 1790, celui des fédérations, à Avignon, fut marqué de sang. La ville, ralliée à la France, avait, pacifiquement, avec égards et respect, prié le légat de partir. Elle créait des magistrats ; elle fondait, dans la ferveur d’une foi jeune et touchante, son autel de la liberté. Une raillerie, une insulte fit passer le peuple, en un moment, au plus épouvantable orage. Les