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resterait embarrassé à jamais dans ce cercle vicieux : « La législation et l’éducation républicaines peuvent seules former les hommes à la république, mais la république elle-même est préalablement nécessaire pour vouloir et décréter ces lois et cette éducation. » — Pour qu’un peuple sorte de ce cercle, il faut que, par un acte vigoureux de sa volonté, par une énergique transformation de sa moralité politique, il se fasse vraiment digne d’être enfin majeur, digne de sortir d’enfance, de prendre la robe virile, et que, pour ne pas retomber, pour rester à la hauteur de ce moment héroïque, il se donne les lois et l’éducation qui peuvent seules le perpétuer.

Autre objection : « En supposant que la république fût déjà possible, était-elle juste à cette époque ? N’eût-elle pas été imposée par une minorité à la majorité royaliste, imposée par force et contre le droit ? La nation était-elle généralement républicaine ? » Si l’on exige que la nation eût l’idée et la volonté nette et précise de la république, non, elle ne l’avait pas. L’idée, la volonté nationale, à ce moment, dans l’indignation qu’inspire la désertion du roi, fut, pour parler avec précision, anti-royaliste ; elle fut républicaine, en prenant la république comme simple négation de la monarchie. La minorité éclairée, en profitant de ce moment, en fondant par les institutions une république positive, eût confirmé la masse dans la tendance anti-royaliste qui se déclarait alors ; elle n’eût point opprimé la masse, elle lui eût traduit sa propre