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et de routines, anciennement envieilli dans l’homme, passé dans la vie, dans le sang. Plusieurs générations déjà, plusieurs classes d’esprits divers (et dans l’Assemblée et dans la nation tout entière), avaient eu leurs moments d’enthousiasme plus ou moins longs, et puis elles étaient retombées. Plusieurs persistaient sans doute, des hommes d’ardeur inextinguible, d’indomptable fermeté ; et ceux-là devaient glorieusement persister jusqu’à la fin. Toutefois de tels caractères sont toujours en petit nombre. Une révolution qui s’appuierait uniquement sur une élite héroïque serait certes bien compromise.

Il fallait que la Révolution, si elle voulait durer, s’appuyât, comme faisait la contre-révolution, non exclusivement sur les sentiments, qui sont si mobiles en l’homme, mais sur l’engagement fixe des intérêts, sur la destinée des familles compromises par leur fortune dans la cause révolutionnaire, décidément et sans retour.

C’est à quoi l’Assemblée constituante avait visé par la vente des biens nationaux. Ces biens d’abord étaient censés acquis de l’État par les municipalités, qui les revendaient aux particuliers. Mais l’opération se faisait avec une extrême lenteur. Au commencement, on avait, peut-être dans l’idée malveillante d’éloigner les acquéreurs, mis en vente d’énormes immeubles, comme les bâtiments des couvents, peu propres aux usages des particuliers. Ce ne fut que plus tard qu’on vendit les parties les plus vendables, les plus désirées, les bois et les terres.