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Du côté de la rivière, la garde nationale, conduite par Bailly, tira en l’air ou à poudre, quoiqu’on ait tiré sur elle à balle et blessé un homme.

Du côté de l’École militaire, la garde nationale, loin de tirer, recueillit, protégea ceux qui fuyaient.

Ce dernier corps, nous l’avons dit, était celui du Marais et du faubourg Saint-Antoine. En sortant du Champ de Mars, il rencontra d’autres corps de la garde nationale, qui, par d’unanimes acclamations, le remercièrent et le bénirent pour son humanité.

Le deuil, on peut le dire, fut général pour ce triste événement. Les uns y déploraient le sang versé, les autres, le coup, mortel peut-être, qu’avait reçu la liberté. Un garde national du bataillon de Saint-Nicolas (M. Provant) se brûla la cervelle, laissant ces mots sur sa table : « J’ai juré de mourir libre, la liberté est perdue, je meurs. »

Un bataillon seulement de la garde soldée n’avait pas tiré ; c’était celui qui, se trouvant près de l’École militaire, était tenu en respect par une masse infiniment plus nombreuse de gardes nationaux. La presse révolutionnaire profita de cette circonstance pour féliciter la garde soldée, lui faire croire à son innocence, la retenir dans le bon parti. En réalité, c’était elle qui, seule ou presque seule, avait exécuté le massacre. Ce ménagement politique pour un corps qu’on redoutait eut pour effet de rejeter tout l’odieux de l’affaire sur la garde nationale, qui pourtant, du côté du pont, avait ménagé le peuple, et, du côté de l’École, l’avait couvert et sauvé.