Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/169

Cette page a été validée par deux contributeurs.

geât, en effet, de l’ancienne religion ou de la nouvelle, cet autel était sacré. Il n’y avait pas trois jours que le clergé de Paris était venu y dire la messe, et la Liberté elle-même n’y avait-elle pas officié, au jour de la Fédération ?

La masse des troupes soldées, entrées par le centre, l’artillerie, la cavalerie, s’alignant dans le Champ de Mars du côté du Gros-Caillou, se trouvaient avoir à dos les glacis où refluaient la canaille, les enfants, les furieux, qui déjà avaient tiré sur Bailly du côté de la rivière, et que la décharge à poudre avait dispersés. Moins effrayés qu’enhardis, pouvant toujours au besoin, si l’on tirait, s’effacer derrière les glacis, ils vociféraient et jetaient des pierres « aux mouchards de La Fayette ». Les meneurs comptaient que ceux-ci piqués des mouches, harcelés, finiraient par perdre la tête et feraient quelque grand malheur, que le peuple alors rentrerait furieux dans Paris, qu’un soulèvement général s’ensuivrait peut-être, comme en juillet 1789.

Le maire et le commandant, deux hommes nullement sanguinaires, n’avaient donné certainement qu’un ordre général d’employer la force en cas de résistance. Ils comptaient, sur le champ de bataille, donner des ordres spéciaux, un signal exprès, dire où et comment la force devait être employée.

Quelle influence meurtrière poussa la troupe du centre à frapper sans rien attendre ? Je ne crois pas que les provocations parties des glacis suffisent à expliquer la chose. J’y verrais bien plutôt l’action,