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HISTOIRE DE FRANCE

Les choses ne se passèrent pas ainsi en France à la mort du duc d’Orléans. La France n’en prit pas si aisément son parti. S’il n’eut pas un tombeau de pierre[1], il en eut un dans les cœurs. Tout le pays sentit le coup et en fut profondément remué, et l’Etat, et la famille, et chaque homme jusqu’aux entrailles. Une dispute, une guerre de trente années commença ; il en coûta la vie à des millions d’hommes. Cela est triste, mais il n’en faut pas moins féliciter la France et la nature humaine.

« Ce n’était pourtant que la mort d’un homme », dit froidement le chroniqueur de la maison de Bourgogne[2]. Mais la mort d’un homme est un événement immense, lorsqu’elle arrive par un crime ; c’est un fait terrible sur lequel les sociétés ne doivent se résigner jamais.

Cette mort engendra la guerre, et la guerre entre les esprits. Toutes les questions politiques, morales, religieuses, s’agitèrent à cette occasion[3]. La grande polémique des temps modernes, elle a commencé pour la France par le sentiment du droit, par l’émotion de la nature, par la douce et sainte pitié.

Où se livra d’abord ce grand combat ? Là même d’où partit le crime, au cœur du meurtrier. Le lendemain au matin, lorsque tous les parents du mort allèrent aux Blancs-Manteaux visiter le corps, et lui donner l’eau bénite, le duc de Bourgogne qualifia lui-même l’acte selon la vérité : « Jamais plus méchant et

  1. Ce tombeau ne fut élevé que par Louis XII.
  2. « … Pour la mort d’un seul homme… » (Monstrelet.)
  3. App. 97.