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HISTOIRE DE FRANCE

Flandre et de la Normandie, en épousant sa cousine Mathilde, fille du comte de Flandre. Cette alliance faisait sa force ; aussi il entra dans une grande colère quand il apprit que le fameux théologien et légiste lombard, Lanfranc qui enseignait à l’école monastique du Bec, parlait contre ce mariage entre parents. Il ordonna de brûler la ferme dont subsistaient les moines, et de chasser Lanfranc. L’Italien ne s’effraya pas ; en homme d’esprit, au lieu de s’enfuir, il vint trouver le duc. Il était monté sur un mauvais cheval boiteux : « Si vous voulez que je m’en aille de Normandie, lui dit-il, fournissez-m’en un autre. » Guillaume comprit le parti qu’il pouvait tirer de cet homme ; il l’envoya lui-même à Rome, et le chargea de faire trouver bon au pape le mariage contre lequel il avait prêché. Lanfranc réussit : Guillaume et Mathilde en furent quittes pour fonder à Caen les deux magnifiques abbayes que nous voyons encore.

C’est que l’amitié de Guillaume était précieuse pour l’Église romaine, déjà gouvernée par Hildebrand, qui fut bientôt Grégoire VII. Leurs projets s’accordaient. Les Normands avaient en face d’eux, de l’autre côté de la Manche, une autre Sicile à conquérir[1]. Celle-ci, pour n’être pas occupée par les Arabes, n’en était guère moins odieuse au saint-siège. Les Anglo-Saxons, d’abord dociles aux papes, et opposés par eux à l’Église indépendante d’Écosse et d’Irlande, avaient pris bientôt cet esprit d’opposition, qui était, ce semble, néces-

  1. Il y avait longtemps que la Normandie faisait peur à l’Angleterre. En 1003, Ethelred avait envoyé une expédition contre les Normands. App. 59.