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THÈSE DE DOCTORAT.

une coquille, et justifie ainsi son surnom ; Philopœmen, le manteau bas, coupe du bois dans la cuisine de son hôte. Voilà le véritable art de peindre. La physionomie ne se montre pas dans les grands trait, ni le caractère dans les grandes actions ; c’est dans les bagatelles que le naturel se découvre. Les choses publiques sont trop communes ou trop apprêtées, et c’est presque uniquement à celles-ci que la dignité moderne permet à nos auteurs de s’arrêter. »

Ce n’est pas seulement celte fausse dignité qui rend encore les traits originaux si rares, même dans les plus. grands historiens ; ils veulent mettre de l’unité dans les caractères ; toutes les actions de leurs personnages partent d’un principe, forment, pour ainsi dire, un système ; ces détails de la vie privée, qui souvent démentent la vie publique, ne pourraient pas toujours se placer dans ce système ; ils aiment mieux les sacrifier. Ce n’est pas là la manière de Plutarque : il connaît trop bien l’homme pour supposer beaucoup de suite dans ses actions. Il n’eût pas fait l’ingénieux dialogue de Sylla et d’Eucrate.

Loin de chercher à mettre de l’unité dans ce sujet muable et changeant, il peint de préférence les moments de passion, de malheur, où les âmes les plus fortes succombent et mollissent. Ces faiblesses forment souvent un piquant contraste avec le caractères des hommes à qui elles ont échappé. Au moment de tuer César, l’épicurien Cassius s’adresse tout bas à la statue de Pompée : Périclès, soupçonné d’impiété, se laisse, au lit de la mort, attacher un talisman : celui qui pilla le temple dé Delphes, Sylla, sur le point de perdre une bataille, invoque une petite image d’Apollon qu’il portait toujours sur lui. On trouve je ne sais