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INTRODUCTION

tuagénaire sous Louis-Philippe, il obtint de retourner à Paris où, jusqu’en 1830, — date de sa mort dans un hôpital de la capitale, — le nom de cet arrière-neveu de Michel-Ange termina dans l’inconnu de la bohème politique une existence misérable et obstinée qui, pour avoir été sans ressources matérielles, ne lut pas sans une idéale beauté. Grandeur et décadence des Buonarroti !

Elle s’accentua dans la personne de son fils Cosimo, qui, né le 5 novembre 1780, à Bastia où le père était exilé, passa sa vie de lettres et de magistrature en Toscane jusqu’à y oublier l’infortune du révolté absent. Pour se la faire pardonner tout à fait par la société florentine, avant sa mort qui arriva le 12 février 1858, il légua, par testament, à la municipalité de sa ville natale la maison de Michel-Ange, avec tout ce qu’elle contenait du maître en dessins, modèles, ébauches sculptées et peintes, lettres et tous autres manuscrits, — sans en exclure l’inscription de cet acte qui fut marquée, comme on la lit aujourd’hui, sur un panneau d’honneur d’une de ces salles les plus malencontreusement décorées. Sa veuve Rosina, fille du gentilhomme vénitien Vedrano, voulut ajouter, de son bien personnel, 20.000 francs dont le revenu servirait à l’entretien du Musée Buonarroti, ainsi institué avec tout ce qui fut de Michel-Ange et ce qui n’en est pas.

Dans cette aimable et hospitalière Italie, assez familière pour permettre, devant ses innombrables richesses d’art, une libre critique dont ne se rehausse que plus impartialement un éloge sincère, j’ai lu, au frontispice d’un temple antique de féminine beauté, cette inscription sacrée qui m’a paru un chef-d’œuvre de grâce, en s’enroulant autour du petit Dieu charmant que Michel-Ange s’est plu à interpréter bien des fois :

AMORI SACRVM.

Autour de cette porte d’honneur de la maison de Buonarroti, où le buste du grand aïeul fronce un œil si sévère et si triste sur tout passant qui, franchissant ce seuil avec l’espoir que Dante ne défend qu’en Enfer, pense ne trouver ici que des chefs-d’œuvre dignes du maître et sa grande âme qui s’y perpétuerait encore parmi nous, pourquoi, au lieu de cette banale inscription de Galleria Buonarroti, ai-je cru lire, par cette fatale loi humaine qui mêle à tant de spectacles terrestres la douleur de les contempler tels qu’ils sont, à l’amour de les rêver comme ils devraient être :

AMORI ET DOLORI SACRVM ?
BOYER D’AGEN.