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MICHEL-ANGE.

d’humaine pitié, dans leur pure forme stylée et rythmique, comme autant de fresques de supérieure harmonie.

Une autre faute, moins réparable que celle de disséquer l’œuvre poétique de l’oncle, fut commise par l’imprudent petit-neveu. Celui-ci, voyant grand dans le grotesque, comme l’aïeul dans le sublime, ne craignit pas de faire un Panthéon de cette Casa Buonarroti, qui n’était déjà pas si vaste, pour recueillir les ouvrages de l’unique dieu qui aurait dû lui suffire. Ne le pouvant convertir en hospice où il recueillerait, en philanthrope intempérant, les artistes malheureux de son temps, il leur livra ces chambres et leurs voûtes pour une débauche de poncives et inexplicables peintures. L’obscur Pietro Berrettini de Cortone dirigea ces élucubrations privées, au prix de 22, 000 écus d’or que déboursa ce deuxième Michelangelo, sans sourciller et sans compter la souveraine indignation que le premier eût ajoutée au marché, s’il avait pu revenir de l’autre monde, en sa propre maison, et y venger l’injure d’art que sa longue carrière d’indéfectible artiste n’avait pas méritée si cruelle.

Cette injure persiste et ces murs des Buonarroti continuent, aujourd’hui, depuis le milieu du dix-septième siècle, à servir de rébus historiques au visiteur qui y cherche tout au moins des épisodes se rapportant à la Vie de Michel-Ange ; lorsque ce sont, au contraire, ceux de ces ridicules peint raillons de Toscane ainsi panthéonisés, qui s’y sont peints de pied en cap. On passe, mal impressionné, d’une chambre à l’autre où, Dieu merci ! les Buonarroti survenant ont mieux traité les papiers de l’aïeul que ses rares sculptures et ses peintures presque totalement absentes. Il est vrai que leur vertu constante de patients collectionneurs des dessins et des manuscrits michelangélesques n’a pas voulu attendre la postérité pour en avoir sa récompense ; ils se la sont assurée eux-mêmes, en comprenant dans ces archives historiques leurs personnels et bien encombrants manuscrits. Ainsi Filippo Michelangelo (18 novembre 1661, 8 décembre 1733) fit, des siens, qui ne comptent pas moins de soixante gros volumes, à peu près tous encore inédits. Ils traitent, pour la plupart, des Funérailles et des Tombeaux étrusques, à l’usage du cardinal protecteur Carpegna, dont ce clerc, marié et père de famille, dirigeait à Rome le remarquable musée paléographique qui a, depuis, porté ce nom.

De tous les descendants de Michel-Ange, celui qui hérita le plus fatalement de l’âme indépendante de son irréductible ancêtre et dont la vie mouvementée prêterait à un des romans les plus aventuresques de son temps, ce fut Philippe. Né le 11 novembre 1761, il fut admis à la cour de Toscane en 1778, comme page du grand-duc Pierre-Léopold. Mais personne moins que lui n’était apte à une vie de cour. Admis, tout jeune, dans la secte des francs-maçons, il se fit exiler en Corse, où la Révolution française le trouva prêt à la servir. On le trouve à Paris, en 1792 ; commissaire du Salut public à Lyon, sous la Terreur ; commissaire de l’Armée cisalpine, jusqu’à la chute de Robespierre, qui lui valut, en Italie, une première arrestation dont le libéra l’amnistie décrétée par le Directoire. De retour à Lyon et à Paris, où il fut élu président de la Société du Panthéon, il ne résista pas à conjurer avec Babeuf contre le Directoire, qui le condamna à mort. Sa peine, commuée par le premier Consul, le fit reléguer à Oléron et puis en Suisse. Sep-