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MICHEL-ANGE.

étage où se trouve celle de Sixte, voulut aussi la faire peindre par Michel-Ange. Il lui commanda deux sujets pour les deux faces latérales. Sur l’une, le Maître représenta la Crucifixion de saint Pierre, et sur l’autre la Conversion de saint Paul, quand Jésus-Christ lui apparut. Ces deux sujets remarquables, autant pour l’ensemble de la composition que pour le détail des figures, sont la dernière œuvre picturale que Michel-Ange ait faite jusqu’à ce jour, et qu’il termina à l’âge de soixante-cinq ans. À présent, il a en main un marbre qu’il sculpte à sa fantaisie, étant un homme plein d’idée et qui doit chaque jour enfanter une autre œuvre. Celle-ci est un groupe de quatre personnages plus grands que nature et représente une Déposition de la Croix [1]. Le Christ mort est soutenu par sa mère, qui s’unit à ce corps, de sa poitrine, de ses bras et de ses genoux, en une pose admirable. Elle y est aidée par Nicodème, qui, debout et ferme sur ses jambes, soulève le corps sous les bras, avec une force gaillarde. Une des Marie figure à gauche où, encore que toute dolente, elle ne laisse pas de prêter un secours que, pour son extrême douleur, la mère ne peut donner. Le Christ abandonné laisse retomber tous ses membres, mais en une pose bien différente de celle qu’exprima Michel-Ange au Christ de la marquise de Pescara et à celui de la Madone des Fièvres. Il est impossible de décrire la beauté et les sentiments qui se lisent sur les visages affligés et tristes de la Mère désolée et de ses assistants. Mais il faut dire que c’est une œuvre rare et de celles où le Maître s’est le mieux fatigué, principalement parce que toutes les figures s’y distinguent entre elles, et que les vêtements de l’une ne la font pas confondre avec ceux de l’autre.

LV. — Michel-Ange a fait bien d’autres choses que je n’ai pas mentionnées, comme le Christ qu’on voit à la Minerve. On voit aussi à Florence un Saint Mathieu [2] qu’il commença, pour figurer avec les douze Apôtres dans les douze piliers du Duomo. On a de lui de nombreux cartons pour diverses peintures, et d’infinis dessins pour des constructions publiques et privées. Finalement il dessina les plans d’un pont qui devait se jeter sur le Canal Grande de Venise, et dont la forme et la manière nouvelle n’avaient pas encore été osées. Il a fait aussi bien d’autres choses qu’on n’a pas vues et dont il serait trop long d’écrire, c’est pourquoi je ne l’essayerai pas. Le Maître dit qu’il veut donner cette dernière Pietà à quelque église, pour être placée au pied de l’autel où lui-même se fera enterrer. Que le Seigneur Dieu en sa bonté le conserve longtemps, et je ne doute pas que le dernier jour de la vie et des fatigues de Michel-Ange ne sera semblable à celui qu’on rapporte d’Hippocrate. Il a de longues années encore à vivre, et l’on en peut garder l’espoir, à voir sa vive et robuste vieillesse et à se rappeler la longue vie de son père qui, sans savoir jamais ce que fut une fièvre, arriva jusqu’à quatre-vingt-douze ans. Il trépassa plutôt de faiblesse que de maladie ; en sorte que, ainsi décédé, selon ce qu’en rapporte Michel-Ange, il avait conservé sur son

  1. Ce groupe, resté inachevé, fut transporté à Florence et placé en 1723, par le grand-duc Cosme III, derrière le maitre-autel de Sainte-Marie-aux-Fleurs.
  2. En 1503, Michel-Ange reçut de la Confrérie de Sainte-Marie-des-Fleurs la commande des Douze Apôtres, qu’il devait sculpter séparément. Il n’ébaucha que le Saint Mathieu qui, après être resté longtemps dans la cour de cette Confrérie, fut transporté en 1831 à l’Académie des beaux-arts.