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MICHEL-ANGE.

toire, rencontre la comtesse Mathilde dans un champ de fleurs et dans la même attitude donnée à cette Vie active. L’ensemble de cette œuvre est beau, principalement dans sa manière de rejoindre toutes les parties par un système de corniches auxquelles il n’y a rien à relever.

LII. — Nous en avons assez dit sur ce tombeau de Jules, et, sans crainte d’avoir été trop long, nous espérons que ce que nous en aurons écrit n’aura pas ennuyé ceux qui l’auront lu. Ces explications m’ont paru nécessaires pour corriger la mauvaise et fausse opinion qui s’est enracinée dans bien des têtes, à savoir que Michel-Ange avait reçu seize mille écus et se refusait à exécuter l’engagement qui l’obligeait. Ni ceci ni cela ne fut vrai, pour la raison que le maître n’avait reçu de Jules que mille ducats, et qu’il les avait dépensés à extraire, pendant de si longs mois, les marbres de Carrare. Comment aurait-il pu, dans la suite, tirer de l’argent de ce pape qui ne voulait plus entendre parler de tombeau ? Quant à celui qu’après la mort de Jules il a reçu des deux cardinaux exécuteurs testamentaires, il en a fait foi, de la main du notaire Bernardo Bini, citoyen de Florence, qui était dépositaire et payeur de cette somme s’élevant à près de trois mille ducats. En outre, en aucune de ses œuvres, il ne se sentit plus dispos qu’en celle-ci, soit parce qu’il se rendait bien compte du renom qu’elle lui donnerait, soit parce que la mémoire bénie du pape Jules lui était chère. À ce titre, il a toujours aimé et honoré la maison des La Rovère et principalement les ducs d’Urbin, pour qui il a accepté de lutter contre deux papes qui, comme nous l’avons dit, voulaient le détourner de ce travail. Autant de raisons pour lesquelles Michel-Ange s’est plaint de n’en avoir retiré, au lieu des faveurs, que des haines et de l’infamie.

LIII. — Pour revenir au pape Paul, je dirai qu’après l’accord intervenu entre le duc d’Urbin et Michel-Ange, ce pape le prit à son service et voulut qu’il exécutât ce qu’il avait commencé sous Clément. Il lui fit donc peindre le chevet de la chapelle de Sixte qu’il avait d’abord fait enduire de chaux et assujetti d’armatures, du sol à la voûte. Cette œuvre, pour avoir été conçue par le pape Clément et avoir eu son commencement d’exécution sous ce pontificat, n’est pas moins à l’honneur du pape Paul, qui, sans l’avoir inspirée, la réalisa. Ce pape avait pour Michel-Ange une telle affection et un tel respect, qu’il sacrifia toujours ses désirs pour ne jamais déplaire à l’artiste. Dans cette nouvelle œuvre, Michel-Ange exprima tout ce que le corps humain peut prêter à l’art de la peinture, sans y négliger le moindre geste, le moindre mouvement. La composition de cette histoire est sobre et bien pensée, mais elle serait longue à décrire. Au surplus, est-ce nécessaire après tant de gravures et de copies variées qu’on en trouve partout ? J’y tâcherai cependant, pour ceux qui n’en ont pas vu l’original sur place ou qui n’en posséderaient pas encore des copies. En divisant l’ensemble de la fresque, en côté droit et gauche, supérieur, inférieur et moyen, c’est dans le milieu de la composition que, voisinant à la terre, figurent les sept anges décrits par saint Jean dans l’Apocalypse. À son de trompes, des quatre coins du monde, ils appellent les morts au Jugement. Dans leur nombre sont deux autres Anges, tenant en mains un livre ouvert où chaque homme n’aura qu’à lire et reconnaître sa vie passée, pour se juger lui-même. Au son de ces trompettes, on voit sur terre s’ouvrir les tombeaux et en sortir l’espèce