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APPENDICES

MADRIGAUX

MADRIGAL I
Chi è quel che per força…

Quelle force m’entraîne vers toi, lié, mais libre encore, subjugué et pourtant maître de moi-même ? Ah ! si tu sais retenir tes captifs, sans leur donner des chaînes ; si tu enveloppes les cœurs de liens invisibles, comment se garantir du pouvoir de tes charmes, et qu’opposer à l’éclat de tes yeux d’où l’Amour lance ses traits vainqueurs ?


MADRIGAL II
Corne puo esser ch’io…

Comment se fait-il que je ne m’appartiens plus ? Qui m’a ravi à moi-même ? Quel pouvoir plus absolu, plus immédiat que ma volonté propre, a donc agi sur moi ? Qui a pu me percer le cœur, sans me faire ressentir nulle atteinte : Quel est enfin cet amour qui fixe les désirs, qui s’insinue par les yeux jusques au fond de l’âme et, s’y développant sans mesure, est bientôt forcé de s’exhaler en mille manières au dehors ?


MADRIGAL III
Se quel che molto piace…

Qu’un objet plein d’appas nous séduise à force de s’offrir à nos yeux, ou qu’une longue habitude finisse par nous révéler, dans ce qui avait même pu nous déplaire, des charmes auparavant inaperçus : ce n’est là qu’un ordinaire effet de l’amour. Mais moi, vous le savez, et ce Dieu le sait aussi, sans que j’aie recours à des preuves : pour me séduire, il n’a rien fallu de semblable. Mes yeux ont si rarement joui du doux éclat des vôtres ! Je ne vous ai vue qu’une fois ; un seul de vos regards a embrasé mon âme.


MADRIGAL IV
Per fido esempio…

Il me fut accordé en naissant, comme un gage assuré de ma vocation, cet amour du beau qui, dans deux arts à la fois, et me guide et m’éclaire. Mais croyez-moi, jamais je ne contemplai la beauté que pour agrandir ma pensée, avant de saisir la palette ou le ciseau. Laissons des esprits téméraires et grossiers ne chercher que dans les objets matériels ce beau qui émeut, qui transporte les esprits supérieurs jusqu’au ciel. Ce n’est pas à des regards infirmes qu’il est donné de s’élever de l’homme à la Divinité ; ils essayeraient vainement d’arriver où la grâce seule peut conduire.