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MICHEL-ANGE.

SONNET XXX
Deh ! fammiti veder…

Daigne, Seigneur, te manifester partout à mes yeux, pour que mon âme, pénétrée de ta lumière divine, étouffe toute ardeur qui te serait étrangère et brûle éternellement dans ton amour.

Je crie vers toi, ô mon Dieu ! C’est toi seul que j’invoque contre mon aveugle et vaine passion. Régénère en mon cœur, par un vif repentir, mes sentiments, mes désirs et ma vertu mourante.

Tu abandonnas au temps mon âme immortelle et, captive sous sa fragile enveloppe, tu la livras au destin.

Hélas ! veille sur elle, et pour la fortifier et pour la soutenir. Sans toi, elle est privée de tout bien, et son salut dépend de ta seule puissance.


SONNET XXXI
Vivo al peccato…

Ma vie ne m’appartient plus : je suis mort à moi-même ; je vis pour le péché. J’erre au milieu de ses ténèbres épaisses, frappé d’aveuglement et privé de raison.

Sort cruel ! cette liberté qui faisait mon bonheur et ma joie, cette liberté est désormais asservie. Quel tourment ! O mon Dieu, quelle affliction pour moi, si tu ne me fais revivre en ta miséricorde.

Quand je rentre en moi-même ; quand j’examine ma vie écoulée au sein de l’erreur, j’accuse mon imprudente audace qui,

Abandonnant le frein à mes désirs insensés, m’éloigna du sentier si doux qui mène à ton amour. Seigneur, tends aujourd’hui vers moi une main secourable.


SONNET XXXII
Ben sarian dolci…

Que mes prières seraient douces, ô mon Dieu ! si elles étaient l’effet de ta grâce divine, Mon sein aride ne saurait porter aucun fruit de vertu naturelle.

Tu es le germe des œuvres justes et saintes ; elles ne fructifient que là où tu les as semées. Nul, par sa propre force, ne se contiendrait dans tes voies, si tu ne l’y guidais toi-même.

Inspire-moi, Seigneur, les pensées les plus salutaires pour marcher sur tes traces divines,

Et fais que ma voix, douée d’une vive et sublime éloquence, chante incessamment tes louanges, ta grandeur et ta gloire.


SONNET XXXIII
Non è più bassa o vil…

Est-il rien, sur la terre, de plus indigne et de plus vil que moi, si tu m’abandonnes, ô mon Dieu ? Ma voix faible et mourante implore le pardon de mes longues erreurs.

Lie-moi par cette chaîne sainte où se rattachent tous tes célestes dons : je veux dire la foi. Ce n’est plus que vers elle que se tournent mes vœux. Je fuis les délices des sens qui mènent à la perdition éternelle.