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APPENDICES

à lui qu’il appartient d’être unique, et non à moi. Mais vous êtes bien, vous, l’unique au-dessus de lui et de tous les autres. Et suffit.

Votre

Sébastien, 000000
peintre, à Rome.000

IX

Au seigneur Michel-Ange Buonarroti, sculpteur très digne, etc., à Florence.
Le 20 avril.0000

0000Mon très cher Compère, après les salutations,

Ne vous étonnez pas que je vous importune de mes lettres, j’y suis forcé, je ne puis faire autrement. J’ai fait un tableau d’autel à messire Giovanni de Viterbe, clerc de la Chambre Apostolique, avec trois figures plus grandes que nature, c’est-à-dire un Christ à la Colonne et deux figures qui le flagellent, comme celles de Saint-Pierre-in-Montorio. Ce tableau est terminé depuis deux mois, comme messire Antonio Francesco pourra vous en informer, car il l’a vu, et il connaît à peu près notre différend. C’est que lui veut me payer à sa manière, et que je voudrais être payé à la mienne. Nous sommes engagés de part et d’autre, informa camerœ. Le prix de mon travail doit être estimé par deux experts dans l’art, s’il n’y a pas moyen de nous accorder. Maintenant ledit messire Giovanni a résolu de vous nommer juge et de vous envoyer le tableau à ses frais, ainsi que pour le retour, afin que vous jugiez du prix ; et cela uniquement pour me tourmenter à sa manière. Il ne veut en aucune façon s’en rapporter au contrat et n’a pas trouvé d’autre expédient que de vous charger d’arranger cette affaire. Je suis certain qu’il vous écrira et vous demandera de juger entre nous. J’en serais plus que content, mais j’en souffrirais grandement, ne pouvant attendre si longtemps ; car cet homme ne voudrait autre chose qu’attendre que j’eusse besoin de pain et que la dernière misère m’obligeât d’aller à lui, la corde au cou. Il en ferait à sa guise ; mais je consentirais plutôt à manger mes deux enfants qu’à lui donner le plaisir de me voir soupirer ; car il est pire qu’un juif, et je m’étonne que la terre ne s’ouvre pas pour l’engloutir. Je vous en prie, par pitié, veuillez, pour l’amour de moi, le traiter comme il le mérite, et, pour ne pas vous donner ce tourment, refusez, renvoyez ce différend à notre seigneur et persuadez à messire Giovanni de s’en tenir à son jugement ; il ne peut le récuser. Vous satisferez ainsi l’une et l’autre partie, et moi je sortirai de la main du diable, car il ne me paraît pas convenable de vous tourmenter de cette affaire. Je crois que si vous étiez en Angleterre, il n’en serait que plus aise de vous envoyer le tableau, pour me faire plus de mal, pourvu que vous fussiez loin de Rome. Mais plût à Dieu que vous fussiez à Rome, car je crois qu’il vous fuirait comme le diable et s’en remettrait à toute autre personne que vous, tandis que moi je ne voudrais pas d’autre juge. Je ne vous dirai pas autre chose. Christ vous conserve en santé. Je me recommande à vous mille fois Vous daignerez me recommander à messires Antonio Francesco et Pier Francesco.

Le tableau de messire Antonio Francesco est fini, il n’y a plus qu’à le vernir, et je le vernirai demain. Pardonnez-moi si j’ai tant tardé, c’est qu’on ne peut peindre et plaider avec messire Giovanni de Viterbe.

Votre

Sébastien, 000000
peintre, à Rome.000

X

Au seigneur Michelange des Bonarotis, sculpteur rarissime, à Florence.
Le 24 février 1531, à Rome.0000

0000Mon très cher Compère,

(Ce mot) par maître Domenico, dit Menichella, qui m’est venu voir de votre part. Dieu sait combien j’ai été heureux qu’après tant de misères, de peines et de dangers, Dieu tout-puissant nous ait laissés vivants et en santé par sa miséricorde et sa pitié : chose vraiment miraculeuse, quand j’y pense. De quoi, grâces soient toujours rendues à la