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CORRESPONDANCE

Rome, 1547.0000

J’ai ton reçu des 550 écus d’or que je t’ai fait compter par (le banquier) Bettino. Tu m’écris que tu en as donné quatre à cette femme, pour l’amour de Dieu, — et cela me plaît. Je veux aussi que tu en donnes encore jusqu’à 50 pour l’amour de Dieu, tant pour l’âme de ton père Buonarroto que pour la mienne. Vois aussi à découvrir quelques citoyens besogneux qui aient des filles à marier ou à établir, et donne-leur encore de cet argent ; mais fais-le en secret et en avant soin de n’être pas trompé. Fais-t’en donner le reçu, que tu m’enverras. Je parle, bien entendu, de citoyens florentins qui, à ma connaissance, seraient nécessiteux et auraient honte de mendier.

0000(Ibid.)


Rome, 16 janvier 1548.0000

Ta dernière lettre m’a appris la mort de Giovan Simone. J’en ai eu une bien vive douleur, car j’espérais, malgré ma vieillesse, le voir avant sa mort et avant la mienne. Dieu ne l’a pas voulu : qu’il soit béni ! J’aimerais savoir particulièrement quelle fin il a faite, s’il est mort confessé et communié et en règle avec l’Eglise. S’il en fut ainsi, j’aurai moins de douleur à l’apprendre.

0000(Ibid.)


Rome, mars 1548.0000

Je te remercie de m’avoir avisé du décret promulgué [1]. Jusqu’à présent, je me suis gardé d’entretenir des relations avec les bannis (fuorusciti) ; je m’en garderai mieux encore à l’avenir. Quant à avoir été malade chez les Strozzi, au lieu d’avoir été dans leur maison, j’aimerais mieux pouvoir dire que j’ai été dans l’appartement de messer Luigi del Riccio, mon grand ami ; car, depuis la mort de Bartolomeo Angelini, je n’ai pas trouvé d’homme meilleur et plus fidèle pour régler mes affaires. Depuis qu’il est mort, lui aussi, je ne suis plus revenu dans cette maison, comme en peut témoigner Rome entière et la vie que je mène ; car je suis toujours seul, je sors peu et ne parle à personne, surtout aux Florentins. Mais quand je suis salué dans la rue, je ne peux autrement faire que d’y répondre par de bonnes paroles ; et je passe outre. Si je savais quels sont les bannis, je ne répondrais à aucun d’eux. Comme je l’ai dit, dorénavant je m’en garderai mieux, ayant bien d’autres pensées et d’autres soucis à chasser.

0000(Ibid.)


Rome, 7 avril 1548.0000

… Quant à prendre femme, tu dis qu’il te paraît meilleur de laisser passer cet été. S’il te le semble, il me le semble aussi. Au sujet d’un pèlerinage à Lorette pour ton père, si c’est un vœu, il me semble qu’il faut de toute manière accomplir. Si c’est pour faire du bien à son âme, je donnerais plutôt en aumônes ce que tu dépenseras pour la route ; tandis que l’argent qu’on donne aux prêtres, Dieu sait l’usage qu’ils en font. En outre, puisque tu

  1. Décret du duc de Cosimo, le 11 mars 1548, contre les conspirateurs. Cette loi, du nom de son conspirateur Polverini da Prato, auditeur riscal, fut appelée la Polverina.