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MICHEL-ANGE.

que, depuis mon retour de Rome à Florence, je n’ai de pensée que pour vous et que ce qui m’appartient est à vous. L’autre jour encore, quand vous étiez malade, je vous ai dit et promis que, tant que je vivrais, vous ne manqueriez jamais de rien : et je vous le confirme. Je m’étonne que vous ayez si vite oublié toute chose. Voici trente ans déjà que vous en faites l’épreuve, vous et vos fils ; et vous savez que j’ai toujours pensé à vous faire du bien. Comment pouvez-vous dire que je vous ai chassé ? Ne voyez-vous pas la réputation que vous me faites, en laissant répéter que je vous ai mis dehors ? Il ne me manquait pas autre chose, après les tourments de mon métier que j’endure par amour pour vous ! Vous m’en rendez bien méritant ! Quoi qu’il en soit, je veux croire que je vous ai fait toujours honte et dommage ; et comme si j’en étais coupable, je veux vous en demander pardon. Faites comme si vous aviez à pardonner à un fils qui aurait toujours mal vécu et commis tous les méfaits qui se peuvent en ce monde. Et, de nouveau, je vous prie de me pardonner, comme à un méchant que je suis. Mais ne répandez pas autour de vous le bruit que je vous ai chassé, parce que j’en aurais plus de dommage que vous ne pouvez croire. Pourtant, je n’en reste pas moins votre fils !

0000(Musée Britann.)



X

Au même.
Florence, juin 1523.0000

Je ne réponds pas à votre lettre, si ce n’est pour les choses qui me paraissent nécessaires ; pour les autres je n’en fais que plaisanterie. Vous dites que vous ne pouvez recouvrer votre payement du Mont, parce que j’aurais fait dire que le Mont est à moi. Cela n’est pas vrai, et il est nécessaire que je vous réponde à ce sujet, pour que vous sachiez que vous êtes trompé par celui qui a votre confiance et qui, ayant recouvré et opéré pour son compte, vous donne à entendre le contraire pour sa commodité. Je n’ai pas fait dire que le Mont est à moi, et je ne le pourrais quand même je le voudrais ; mais il est bien vrai que, en la présence de Raphaël de Galliano, le notaire me dit : « Je ne voudrais point que tes frères fassent quelque contrat sur ce Mont, de peur que tu ne le retrouves après la mort de ton père. » Il me mena au Mont et me fit dépenser quinze grossoni pour faire ajouter la clause que personne ne le pourra vendre tant que vous vivrez et que vous en restez l’usufruitier, de votre vivant. Ainsi dit le contrat que vous connaissez bien.

Je vous ai éclairé sur ce contrat et sur ce qui en a été modifié à votre intention, puisque vous ne vous en contentiez pas. Je vous ai dit que ce Mont, vous pouvez le vendre à votre guise. J’ai toujours fait et défait ce que vous avez voulu. Je ne sais plus ce que vous voulez de moi. Si je vous donne l’ennui de vivre, vous avez trouvé le moyen d’y obvier. Rendez-moi ces clefs du trésor que vous dites être miennes, et vous ferez bien. Car on sait, dans tout Florence, quel grand riche vous étiez, et comme je vous ai tou-