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CORRESPONDANCE

il viendrait du ciel, afin que je ne passe pas pour l’homme partial que je ne saurais être.

(Arch. Vaticanes.) 0000



LXXIII

Giorgio Vasari à Cosme Ier.
Rome, 9 avril 1560.0000

0000Illustrissime et Excellentissime, etc.

Je suis arrive à Rome, et, aussitôt que le Révsime et Illustrsime Médicis eut fait son entrée et reçut le chapeau de notre seigneur le pape Jules II, je suis allé immédiatement trouver mon grand Michel-Ange. Comme il n’était pas informé de ma venue, il se suspendit à mon cou pour m’embrasser mille fois, pleurant avec cette tendresse que montrent les vieillards quand ils retrouvent des enfants perdus sans espoir. Nous nous sommes revus, lui et moi, si volontiers que je n’ai jamais eu de plus grande joie depuis que je suis à votre service, encore que Votre Excellence m’en ait fait éprouver tant de fois. Nous raisonnâmes longuement sur le gouvernement et les miracles dont Dieu a fait et fait journellement preuve, à votre égard. Il s’est plaint seulement de n’avoir plus les forces égales à son âme pour vous obéir au moindre signe ; et il ajoutait que, n’ayant pas été digne de vous servir en des années meilleures, il remerciait Dieu que j’y sois employé, et il a confiance en cet échange parce qu’il m’aime et me considère comme un fils. Il s’est plaint de ne pouvoir aller rendre visite au Révsime et Illustrsime Médicis, parce qu’il peut à peine se remuer. Malgré son extrême vieillesse, il n’a pas grand repos. Il se dit si faible, qu’il doute d’avoir encore longtemps à vivre si la bonté de Dieu ne le maintient pour l’achèvement de Saint-Pierre, qui en a, certes, bien besoin. Je reste stupéfait en constatant que les Antiques sont surpassés en beauté et en grâce par ce qu’a su faire ce génie divin. Jusqu’à présent, je suis resté chaque jour auprès de lui, et nous avons avisé aux dessins du pont Santa-Trinita, sur lesquels le maitre a longuement raisonné. Répondant à sa pensée, je vous apporterai un mémoire des écrits et des dessins avec les mesures contenues selon le site. J’y ajouterai de nombreux raisonnements faits sur les choses de l’art et qui permettront de finir ce Dialogue que je vous ai déjà lu, dans lequel Michel-Ange et moi nous argumentons ensemble.

Une fois, de compagnie, nous avons chevauché vers Saint-Pierre, où il m’a montré bien des difficultés et aussi le modèle de liège qu’il fait faire de la coupole et de sa lanterne, et ce très bizarre modèle est chose vraiment extraordinaire. J’avais, en vérité, besoin de ce spectacle pour rafraîchir mes yeux, tant mon esprit était intrigué par l’importance des choses que je vois ici…