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CORRESPONDANCE

d’autant plus que je vois mon père peu affectueux envers mes autres sœurs, tenir ferme sa première proposition de me vouloir faire prendre cet homme pour époux, sans tenir compte des plaintes, des cris et du tapage de ses filles, de ses gendres et de ses neveux, auxquels je ne peux souffrir ni ne voudrais jamais supporter qu’il soit fait un si grand dommage et un tort si exprès, parce qu’ils sont très pauvres.

Comme vous venez de l’apprendre, magnifique Maître que j’honore comme un père, je suis dans les tourments et l’angoisse ; et je ne sais comment en sortir, par la faute de mon obstiné père, qui, encore qu’il en ait été prié par maints hommes de bien, ne veut pas confesser son erreur ni se repentir du tort qu’il a fait à ses filles. Si V. S. ne vient pas à mon aide par une de ses lettres affectueuses, je reste toute à mon désespoir. Loin de moi cette parenté nouvelle où je ne reconnais plus aucun ordre, tant pour la vilenie employée que pour les mauvaises qualités du sujet et parce que, ces mauvais rapports étant survenus entre nous, je suis bien sûre que je n’aurais plus une heure de bonheur. C’est pourquoi je me suis résolue de mon mieux à ne pas contracter cette parenté-là. Et pour donner suite à mon ferme propos, je vous prie, autant que je le dois et le puis, de me donner aide et conseil pour ramener mon père de sa dure obstination. Pour si ferme qu’elle soit, il la modifiera si V. S. l’en persuade ; car il est plein de considération pour vous, et personne ne lui en imposera davantage. J’attendrai que V. S. me donne quelques conseils et qu’elle persuade mon père à ne point passer pour cruel et sans pitié, en portant un si grave dommage à ses filles, en même temps qu’il me mécontente. Et si, en retour, je peux faire quelque chose pour vous, commandez-moi comme votre fille toujours prête à vous servir.

Pardonnez-moi si je ne vous écris pas plus souvent, car les soucis occupent tellement mon esprit que je ne sais parfois si je suis encore de ce monde. Michelagnolo se recommande à vous, de même que son frère Francesco, mon père et ma mère. Je vous baise la main.

De V. S.

La fille affectueuse,

Cornelia Amatori da Colonello.0000

LXX

À Messer Bartolomeo Ammannati, Florence.
Rome, 15 janvier 1559. 0000


Je vous ai écrit que j’avais fait un petit modèle, en terre, de l’escalier de la Libreria. Je vous l’envoie dans une boite. En si petite dimension, je ne puis vous adresser que l’idée, me rappelant que ce que je vous avais déjà donné était isolé et ne s’appuyait qu’à la porte de la Bibliothèque. Je m’en suis tenu au même modèle. Je ne voudrais pas que les escaliers qui laissent le principal au milieu aient, aux extrémités, des balustrades comme il s’en trouve au principal ; mais il faudrait, entre chaque degré, un siège comme