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MICHEL-ANGE.

Urbino est mort. Ce fut pour moi une très grande faveur de Dieu, et un sujet de chagrin bien cruel. Je dis que ce fut une faveur de Dieu, parce qu’Urbino, après avoir été le soutien de ma vie, m’a appris non seulement à mourir sans regret, mais même à désirer la mort. Je l’ai gardé vingt-six ans avec moi, et je l’ai toujours trouvé parfait et fidèle. Je l’avais enrichi, je le regardais comme le bâton et l’appui de ma vieillesse, et il m’échappe en ne me laissant que l’espérance de le revoir dans l’autre monde. J’ai un gage de son bonheur dans la manière dont il est mort. Il ne regrettait pas la vie ; il s’affligeait seulement en pensant qu’il me laissait accablé de maux, au milieu de ce monde trompeur et méchant. Il est vrai que la majeure partie de moi-même l’a déjà suivi, et tout ce qui me reste n’est plus que misères et que peines. Je me recommande à vous.

0000(Arch. Buonarroti.)



LXII

Au même.
Rome, 28 décembre 1556.0000

… J’ai reçu le petit livre de messer Cosimo [1] que vous m’avez envoyé. Veuillez trouver ici mes remerciements pour Sa Seigneurie. Je vous prie de les lui exprimer et de me recommander à lui. J’ai eu, ces jours-ci, à la fois grand en lui et grand plaisir sur les montagnes de Spolète, à y visiter les ermites. Je n’en ai rapporté à Rome que la moitié de moi-même. Vraiment, il n’y a de paix que dans les bois. Rien d’autre à vous dire. Je suis heureux que vous soyez bien portant et joyeux.

0000(Arch. Buonarroti.)



LXIII

À Cornelia, veuve de Urbino.
Rome, 28 mars 1557.0000

Je m’étais bien aperçu que tu t’étais indignée contre moi, mais je n’en trouvais pas la raison. Aujourd’hui, devant ta dernière lettre, il me semble t’avoir comprise. Quand tu m’as envoyé les fromages, tu m’as écrit que tu voulais m’envoyer beaucoup d’autres choses, mais que les mouchoirs n’étaient pas encore prêts. Pour ne pas entrer en dépense à mon sujet, je t’écrivis de ne rien envoyer, mais de me demander quelque chose si tu voulais me faire plaisir, sachant et mieux devant être certaine de l’affection que je porte encore à Urbino, bien que mort, et à tout ce qui est sien. Quant à venir ici ou à m’envoyer Michelagniolo [2], il faut que je t’écrive dans quelles

  1. Difesa della lingua florentina e di Dante, con le regole di far bella e numerosa la prosa (Firenze, 1566). Carlo Lenzoni avait laissé incomplet ce livre. Giambullari le termina. Bartoli, à sa mort, l’imprima et le dédia au duc Cosimo.
  2. Son petit filleul.