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CORRESPONDANCE

un contrat nouveau [1]. Et comme je m’opposais à ce qu’on mit au compte du tombeau les 3.000 ducats que j’avais reçus, et que je prouvais que j’avais à en recevoir bien davantage, Agen me dit que j’étais un bandit (churmadore, galérien).

0000(Arch. Buonarroti.)



XXI

À Sebastiano del Piombo.
Mai 1525.0000

0000Mon très cher Sebastiano,

Hier soir, notre ami le capitaine Cuio et quelques autres gentilshommes voulurent me faire la courtoisie de me recevoir à dîner avec eux. J’y éprouvai un très grand plaisir, parce que cela me sortait un peu de ma mélancolie, — je veux dire de ma folie. Et je n’eus pas plaisir seulement du repas qui fut des plus agréables, mais j’en eus plus encore des propos qui s’y tinrent. Ces propos augmentèrent surtout ma joie, quand j’entendis le capitaine Cuio citer votre nom. Et il ne s’en tint pas là, car ensuite je me réjouis bien plus encore pour l’art, quand j’entendis dire par le capitaine que vous n’avez pas votre pareil au monde et que vous êtes ainsi réputé dans Rome. Si j’avais pu prendre à ce repas plus de plaisir encore, c’est à ces propos que je l’aurais dû. Ainsi donc mon jugement personnel n’est pas faux ; et je vous prie de croire que je dis vrai quand je vous écris que vous êtes sans pareil. Trop de témoignages l’affirment, et, grâce à Dieu, voici devant moi un tableau [2] qui en fait foi pour quiconque voit clair.

0000(Arch. Buonarroti)


  1. Ce deuxième contrat fut rédigé le 8 juillet 1516, et signé par Léonard Grosso, cardinal d’Agen, neveu du pape Jules, et Laurent Pucci, cardinal du titre des Quatre-Saints, exécuteurs testamentaires de Jules II, d’une part ; et Michel-Ange de l’autre. Au terme de 9 ans et pour le prix de 6.500 ducats, — y compris les 3.500 déjà reçus, — le dit tombeau serait exécuté.
  2. Le portrait d’Anton Francesco degli Albizzi, au sujet duquel Sebastiano avait écrit à Michel-Ange, le 22 avril : « J’ai reçu votre lettre, qui m’est très chère, pour la sympathie et L’affection que vous continuez à me conserver et que je ne mérite pas. Je regrette que vous vous mettiez ainsi en peine, pour que je finisse vite le portrait de messer Anton Francesco degli Albizzi. Il ne faut pas vous inquiéter pour si petite chose ; car peut-être auriez-vous eu moins d’ennui à peindre une figure qu’à écrire la lettre que vous avez faite pour moi. Il me semble être assez bien placé pour connaître l’humeur des gens, en telle chose. Il suffirait de la foi privée et de la promesse que j’avais faite à messer Anton Francesco ; et, bien que j’eusse manqué de parole, cinq ou six jours, ce n’était pas la peine de le manifester à ce point. Je vous en demande pardon. Pour mon compte, j’éprouve plus de fatigue dans notre art à faire une main ou un pli de vêtement, qu’à monter tous les escaliers du monde. Excusez-moi si je vous écris de la sorte ; c’est parce que j’écris a un maître qui me comprend… » (Arch. Buonarroti.)