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ensuite sur la popularité en général et sur la destinée de ceux qui se dévouent au bonheur des peuples. Un sujet si fécond n’était pas facile à traiter, en présence d’un homme que l’opinion populaire avait d’abord accueilli avec transport et qu’elle repousse aujourd’hui avec une sorte de violence. Les révolutions, lui disais-je, ont des secrets qu’elles ne révèlent point, on ne sait presque jamais tout-ce qu’elles veulent ; voilà pourquoi il est si difficile de les servir, si dangereux de se mettre à leur tête. L’antiquité nous apprend que le sphinx du Cithéron arrêtait les passans pour leur proposer des énigmes, et qu’il dévorait ceux qui ne les devinaient pas : toute révolution populaire fait comme le sphinx. — Ces idées générales ont pu déplaire à son Excellence ; j’ai cru m’apercevoir, que sa philosophie n’était pas encore aguerrie contre certaines vérités. Je n’ai point voulu lui parler de l’injustice des peuples, ce qui eût été un lieu commun, ni de l’exemple de Thémistocle et d’Aristide, ce qui eut été une flatterie. J’ai mieux aimé changer de conversation, et j’ai fini par lui parler de l’ancien ministre de l’empereur Alexandre. La complaisance avec laquelle il m’a répondu m’a fait voir qu’il n’avait point oublié la cour de Russie, et que le président des Hellènes mettait toujours du prix à la faveur des rois.

Notre conversation en est restée là, et j’ai pris congé du président. Je ne prétends pas connaître