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doléances, de regrets et de tous les termes de notre langue qui expriment la tristesse, la solitude et l’ennui. J’ai causé avec plusieurs de ces braves soldats : « La Grèce, me disait l’un d’eux, est comme le dôme des Invalides de Paris, il est tout éclatant de dorure, mais nous savons ce qu’il y a dessous. »

Comme il était encore de bonne heure, lorsque nous sommes revenus de Modon, nous avons voulu voir à notre retour la côte septentrionale de la rade ; à deux mille de la baie, on trouve des campagnes assez agréables un ruisseau, que dans la langue des Grecs on pourrait appeler un fleuve, y fait tourner deux moulins. La terre est, en plusieurs endroits, couverte de moissons. Sur les deux rives du ruisseau, on voit des bosquets de tamarin et des touffes de lauriers-roses. C’est dans ce lieu qu’on avait fait d’abord camper l’armée française, lorsqu’elle arriva en Morée. Ce campement fut très-funeste à nos soldats, qui furent cruellement moissonnés par l’épidémie. Ainsi, cette terre n’a point de lieu qui ne réveille un triste souvenir.

Le soleil commençait à tomber, lorsque nous sommes revenus sur le rivage, pour reprendre le canot du Loiret. Nous avons traversé le méchant bazar dont je vous ai parlé dans le commencement de ma Lettre. Toute la population était sortie des hangards et des boutiques ; les enfans, les hommes mûrs, les vieillards dansaient en plein air la Romaïka, et chantaient des hymnes patriotiques.