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content de nous, qu’il nous a envoyé une cruche remplie de vin de Ténedos, et des gâteaux avec du lait caillé et durci qui vient de la plaine de Beramitsch, et qu’estiment beaucoup les gourmets de Kounkalé. Il est venu lui-même nous remercier et comme nous étions à dîner, il s’est mis sans façon à table avec nous. Des îlots de la liqueur défendue ont coulé dans son verre, et les libations se sont renouvelées si souvent, qu’il a fallu reconduire notre pauvre capitaine, jusque dans sa caserne. Nous avons déjà plusieurs fois remarqué que les militaires turcs ne se font plus aucun scrupule de boire du vin, et se persuadent volontiers que le culte de Bacchus entre nécessairement dans le régime européen auquel on veut les soumettre ; le fruit de la vigne leur paraît un des élémens de la civilisation, et le vin est maintenant en Turquie la boisson des philosophes et des esprits forts.

Cependant notre réputation s’accroissait d’heure en heure, et quoiqu’on ne pût citer aucune de nos guérisons, tout le monde voulait nous consulter. Les femmes seules n’osaient venir dans notre boutique, mais elles nous envoyaient leurs maris. Enfin on est venu nous prier de nous transporter dans le harem du directeur de la douane. J’étais retenu par ma blessure au pied, et je ne me souciais guère de pousser plus loin le rôle qu’on nous faisait jouer. Pressé par les plus vives instances, je me suis décide à envoyer à ma place notre cuisi-