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sans ombrages ; tantôt du Simoïs qui conserve, pour dernière gloire, ses platanes, ses saules et ses tamarins ; nous étions près d’arriver à l’endroit où se joignaient autrefois les deux fleuves, lorsque nous nous sommes égarés dans des champs couverts de chardons étoilés ; ces chardons avaient plus de trois ou quatre pieds de hauteur ; et leurs pointes acérées atteignaient le ventre et le poitrail de nos montures. Tout à coup nos chevaux se sont emportés ; nous n’avions point de bride pour les retenir, point d’étrier pour conserver notre équilibre ; il a fallu nous résigné à une chute, et nous avons eu le sort des héros précipités de leurs chars : nous sommes tombés parmi les chardons et les ronces. Chacun de nous avait les mains et les jambes ensanglantées. Je me suis fait, pour ma part, une légère contusion au pied droit. Un érudit aurait pu ennoblir notre accident, et placer notre chute parmi les grandes scènes de l’Épopée. Il ne tiendrait qu’à nous de constater, Homère à la main, que nous sommes tombés dans l’endroit même où Junon et Minerve descendirent de leur char, et marchand sans presque toucher la terre, s’avancèrent comme des colombes vers l’armée des Grecs. Sans nous donner cette consolation poétique, nous nous sommes relevés, nous en prenant à notre guide Dimitri, et secouant tristement la poussière dont nous étions couverts. Ce qu’il y avait de plus malheureux dans cette mésaventure, c’est que nos chevaux s’étaient