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à qui nous avons demandé la permission d’acheter des vivres. Cet aga est borgne et boiteux, et je le crois, même privé de l’usage de la parole, car il ne nous a rien répondu. Il paraît que ce n’est pas lui qui fait les affaires. Notre aga, disaient les Turcs, n’agit ni ne parle, mais il y a des gens qui parlent et qui agissent pour lui. C’est en vain que nous avons cherché ceux qui agissent et qui parlent pour l’aga ; nous n’avons trouvé personne qui pût nous accorder ce que nous demandions. Les habitans ne peuvent vendre leurs denrées qu’au mutzelin de Castro et à ses sous-fermiers ; ce qui a fait que nous n’avons pu nous procurer, dans le village, que deux ou trois poules et quelques œufs.

Deux passagers de l’Erminio, en parcourant la campagne, ont rencontré une jeune femme, balançant un petit enfant aux branches d’un figuier. Cette femme a paru effrayée à leur aspect, et elle est rentrée dans une cabane, où ils l’ont suivie. Un panier avec des œufs et du pain noir, une cruche pour puiser de l’eau à la citerne, un petit paquet de hardes, voilà tout ce qu’ils ont vu sous le toit habité par la pauvre Lesbienne. Elle s’est jetée à leurs genoux, en leur répétant plusieurs fois : Capitano, capitano, Stamboul (Capitaine, capitaine, menez-moi à Constantinople). En revenant à bord, nos, passagers ont raconté ce qu’ils venaient de voir ; et leur récit a mis le feu dans toutes les imaginations. Il n’est pas un des habitans de l’Erminio, sans