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reçu l’ordre de protéger les caravanes contre les brigands de Samos. À neuf heures, nous nous sommes remis en chemin, escortés de ces gendarmes musulmans. Nous avons traversé des bois d’agnus-castus si épais, qu’on y découvrait à peine des sentiers ou des issues nos chevaux en passant secouaient sur nous les arbustes inondés de rosée, et nous recevions ainsi deux fois dans le même jour la froide pluie du matin. Nous sommes entrés dans des vallons profonds couverts de houx, de chênes, d’arbousiers et de sapins ces vallons, qui présentent partout des rocs escarpés et des précipices, ont réveillé la peur, dans l’âme des marchands arméniens ; les gardes musulmans, qui peut-être se plaisaient à exagérer le péril pour recevoir quelques piastres de plus, disaient que naguères ils avaient trouvé dans ces gorges de montagnes trois cadavres ensanglantés ; le cavasi, pâle d’effroi, nous engageait à préparer nos armes ; che pavore, signor, me répétait-il en mauvais italien, et la caravane s’avançait en silence et, serrée comme pour soutenir un combat. Mais, grâce à Dieu, nous avons franchi sans accident le périlleux passage, et notre escorte, après avoir reçu son bacchis, est retournée vers sa cabane. Ce n’est pas d’aujourd’hui que les montagnes voisines d’Éphèse sont infestées de voleurs ; le brigandage des Samiens date de plusieurs siècles, et d’anciens voyageurs parlent de ces parages comme étant ordinairement dangereux.