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singulière ! ce sont les pays les plus prospères, les peuples qui avaient le plus à perdre, qui se sont précipités avec le plus d’ardeur et d’aveuglement dans les dernières révolutions ; aussi ont-ils éprouvé tout ce que la guerre apporte avec elle de désolation et de calamités. Je vous épargnerai le récit lamentable des désastres d’Ipsara ; la plupart des habitans périrent par le glaive, ou cherchèrent un refuge sur des rivages étrangers. Depuis quelques mois, le petit nombre de ceux qui avaient échappé au massacre, sont revenus au milieu des ruines de leur patrie, et nous les voyons errer tristement à travers les décombres comme de pâles ombres parmi des sépulcres. Des masures noircies par le feu, des murailles croulantes, des toits renversés, des maisons à moitié démolies, tels sont les restes malheureux d’Ipsara. Quelle différence entre ces ruines et celles que nous venons de voir à Sunium. Les unes inspirent une douce mélancolie, les autres déchirent le cœur ; là ce ne sont que des marbres muets qui se sont mesurés avec le temps, et qui en ont triomphé ; ici c’est une ville qui succombe avec ses habitahs ; on les voit souffrir, on entend leurs plaintes ; ce ne sont pas des blessures faites sur l’airain ou sur la pierre, mais sur la chair vivante de l’homme. Il y a là des souvenirs affligeans qu’aucune illusion n’accompagne et sur lesquels on ne peut que gémir et pleurer.

L’île de Chio est restée loin de nous, et nous