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tuer les instruments qui lui avaient été confiés. Il remit tous ses manuscrits a son ami Maraldi, qui publia le Ciel austral, précédé d’un éloge de l’auteur, par G. Brotier. La Caille mourut le 21 mars 1762, âgé de 49 ans moins quelques jours. Personne plus que lui ne mérita l’éloge que Ptolémée fait d’Hipparque, lorsqu’il lui donne les noms de φιλόπονος καὶ φιλαλήθης. La première de ces qualités causa sa mort, et la seconde empêcha que quelques contemporains, en fort petit nombre au reste, lui rendissent justice entière. Fouchy, dans son éloge, nous en donne la raison : « Il aimait la vérité presque jusqu’à l’imprudence ; il osait la dire en face, au hasard de déplaire, quoique sans aucun dessein de choquer ; » et la preuve en est qu’en répondant aux attaques dont il avait été longtemps l’objet sans paraître y prendre garde, il l’a toujours fait sans nommer personne, comme, en rendant compte de ses travaux, jamais il ne s’est nommé lui-même. Réservé, modeste et désintéressé, il était tout entier à ses devoirs et à ses occupations. Lalande, qui se glorifiait de s’être fait son disciple, après avoir été admis à l’académie des sciences, Lalande a dit de lui qu’il avait fait à lui seul plus d’observations et de calculs que tous les astronomes ses contemporains réunis. Cet éloge, qui doit paraître une exagération, ne sera guère que la simple vérité, si on le restreint aux vingt-sept années qui composent la carrière astronomique de la Caille, et si l’on se rappelle tout ce qu’il a trouvé moyen de faire dans un temps si court. Aussi personne n’a été si bon ménager du temps ; nous n’en citerons que deux exemples. Jeté par son cheval dans un torrent où il faillit périr au pied des Pyrénées, à peine se donna-t-il le temps de changer d’habit pour retourner à ses observations. Après avoir mesuré une base de 7 000 toises dans un long jour d’été, il était quelques heures après a huit lieues de là, occupé à prendre les distances des étoiles au zénith dans son observatoire de Bourges. Cette activité sans exemple ne serait encore qu’une faible partie de son éloge ; il faut ajouter qu’a tant de célérité dans les observations comme dans les calculs, il a su joindre une adresse et une sureté que peu de personnes ont possédées au même degré. Ajoutez encore une candeur qui ne lui a jamais permis de soustraire, de dissimuler, encore moins de modifier une observation moins précise on moins heureuse. Ses manuscrits, comparés à ses ouvrages imprimés, attestent partout cette véracité qui devrait être toujours la première qualité d’un observateur. Il est bien reconnu aujourd’hui que tous les instruments dont la Caille a pu faire usage étaient de beaucoup inférieurs à ceux dont étaient munis quelques-uns de ses contemporains, et, dans tous ses ouvrages, il a soutenu la comparaison avec les plus célèbres d’entre eux : c’est que, par les soins extrêmes qu’il apportait à tout, par des combinaisons ingénieuses, par l’attention de multiplier les épreuves, il a su corriger le désavantage de sa position. On est persuadé généralement que ses réfractions sont trop fortes, et la raison qu’on en a donnée, c’est qu’avec les réfractions véritables, elles renferment les erreurs de ses instruments ; mais en admettant que le fait soit certain, que les réfractions plus faibles de Mayer et de Bradley ne renferment pas de même les erreurs différentes de leurs quarts de cercle, ces réfractions même seront une nouvelle preuve de son talent comme observateur, puisqu’elles ne l’ont pas empêché de bien déterminer les déclinaisons des étoiles, de trouver pour l’obliquité de l’écliptique le même angle que Mayer et Bradley, et enfin, pour l’observatoire de Paris, la même latitude que nous trouvons encore aujourd’hui avec les cercles répétiteurs de Lenoir et Reichembach. Enfin, l’auteur de cet article ayant été appelé, par un concours singulier de circonstances, à refaire et vérifier, avec des moyens tout nouveaux, une grande partie des travaux de la Caille, après avoir revu avec le plus grand soin toutes ces étoiles, avoir fait de longues recherches sur les réfractions, de nouvelles tables du soleil, mesuré la méridienne de France, tenu entre les mains, pendant plusieurs années, tous les manuscrits de la Caille, n’a jamais fait un pas sur ses traces sans éprouver un redoublement d’estime et d’admiration pour un savant qui sera à jamais l’honneur de l’astronomie française. Ses ouvrages sont des Leçons élémentaires de mathématiques souvent réimprimées et commentées, dont la première édition est de 1741, in-8° ; des Leçons de mécanique, 1743, in-8° ; des Leçons d’astronomie, 1746, dont Lalande a donné une 4e édition en 1780, et qui ont été livre classique jusqu’à nos jours, en différentes contrées de l’Europe ; des Éléments d’optique, 1750, réimprimés en 1807 et 1808, in-8° ; des Observations faites au cap de Bonne-Espérance pour les parallaxes de la lune, de Vénus et de Mars, que du Sejour a recalculées en entier pour y appliquer ses nouvelles méthodes ; le livre Astronomiæ Fundamenta, Paris, 1757, in-4°, rare, où l’on trouve, en effet, tous les fondements de ses recherches sur la théorie du soleil, sur les étoiles et les réfractions ; des Tables solaires, 1758, meilleures que tout ce qu’on avait en ce genre, meilleures même que celles qui ont été depuis publiées par deux astronomes célèbres ; des tables de logarithmes pour les sinus et les tangentes de toutes les minutes du quart de cercle et pour tous les nombres naturels décimaux et sexagésimaux depuis 1 jusqu’à 10 800 (l’abbé Marie en a donné une nouvelle édition en 1799, in-8°) ; des Ephémérides depuis 1745 jusqu’à 1775 ; Cœlum australe stellarum,1765, in-4°, publié par Maraldi ; le Journal historique de son voyage au cap de Bonne-Espérance, rédigé par Carlier, d’après les notes et les conversations de l’auteur, Paris, 1765, in-12, avec un discours sur la vie de l’auteur et des notes critiques comme la description du cap de Bonne-Espérance publiée sous le nom de Kolbe ; sans parler des nombreux mémoires qu’il a donnés dans le recueil de l’académie, depuis 1741 jusqu’à sa mort, et dont on peut voir les titres dans la France littéraire de M. Quérard. On trouve, dans les Discours et Mémoires de Bailly, Paris, 1790, 2 vol. in-8°, un Éloge de l’abbé de la Caille,