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moins fortes et à des instruments d’un rayon médiocre, et c’est ainsi qu’en cent vingt-sept nuits il put déterminer les positions d’environ dix mille étoiles avec une célérité et une exactitude qu’on aurait cru impossibles, en considérant surtout les moyens dont il avait été forcé de se contenter. Le vaisseau qui devait le ramener en France n’arrivant pas au Cap, la Caille, pour ne perdre aucun instant, mesura un degré de l’hémisphère austral avec le même soin, la même précision qu’on admire dans ses degrés de France, qui, à plusieurs égards, peuvent soutenir la comparaison avec la dernière mesure qui en a été faite et qui avaient au moins toute l’exactitude qu’il avait annoncée. Le gouvernement lui envoya l’ordre de lever la carte exacte des îles de France et de Bourbon. La Caille savait que ce travail venait tout récemment d’être exécuté par un marin célèbre (d’Après) ; il le recommença avec plus de soin et de précision. À son retour, comme pendant sa première traversée, il s’occupa assidûment à comparer les différentes méthodes qu’on avait proposées pour le problème des longitudes. Il choisit celle des distances de la lune au soleil ou aux étoiles, en démontra les avantages, et proposa une forme d’almanach nautique, adoptée depuis universellement. En faveur des marins peu instruits, il imagina des moyens graphiques ingénieux et nécessaires dans ces premiers temps pour familiariser le commun des navigateurs avec une méthode qui devait les effrayer par la longueur des calculs. Les astronomes qui enrichissent les cartes célestes de nouvelles constellations en font communément hommage à leurs protecteurs : la Caille consacra toutes les siennes aux arts et aux sciences. Il les représenta sur un planisphère de six pieds, qu’on vit longtemps dans la salle des séances de l’académie des sciences. À la suppression de cette compagnie, le planisphère disparut, et la toile s’est depuis retrouvée sans son cadre à l’observatoire royal, où elle est conservée. À son retour à Paris, en 1754, la Caille, effrayé de la célébrité que son voyage lui avait si justement acquise, mit tous ses soins à se dérober à un empressement et une curiosité dont tant d’autres auraient été flattés ; il se renferma dans son observatoire, et, pour éviter plus sûrement les distractions et les importunités, il avait eu l’idée de se retirer dans une province méridionale, pour s’y occuper sans trouble d’une description exacte et complète de la partie du ciel qu’il nous est donné d’observer, et qui nous intéresse plus particulièrement. Ses amis s’opposèrent à un projet dont l’avantage ou la nécessité ne leur était pas démontré. Pour un astronome assidu et infatigable, et qui sait tirer tout le parti possible de ses observations, tous les climats sont à peu près indifférents. La Caille partageait tout son temps entre son observatoire, ses calculs, ses devoirs d’académicien et de professeur, et la publication de ses divers ouvrages. C’est alors qu’il donna ses tables du soleil, ses Fondements de l’astronomie, la suite de ses éphémérides, et qu’il commença plus particulièrement à s’occuper de la lune et des étoiles zodiacales ; mais sentant enfin que, pour le vaste plan qu’il avait formé, la méthode des hauteurs correspondantes devenait beaucoup trop lente, il plaça dans son observatoire une lunette méridienne qui devait lui donner les ascensions droites des étoiles avec plus de facilité. Mais comme il restait encore persuadé que ce moyen, plus expéditif, ne présentait pas tout à fait la même sûreté, il prit du moins toutes les précautions possibles pour atténuer des erreurs dont il avait une opinion exagérée. Il s’imposa la loi de ne placer dans son nouveau catalogue aucune étoile qu’il n’eût observée trois ou quatre jours, en la comparant chaque fois à plusieurs étoiles fondamentales, dont il avait déterminé les positions avec tant de soins et de peines. Par là, ces étoiles secondaires acquirent une exactitude supérieure même à celle des étoiles qui servaient de fondement et à celle des étoiles zodiacales de ses célèbres émules, Bradley et Mayer, qui, munis d’instruments beaucoup meilleurs, se contentaient le plus souvent d’une observation unique pour les étoiles d’un moindre éclat. Il est fâcheux que ce bel ouvrage, qui lui a coûté la vie, n’ait pas été plus soigneusement rédigé par l’éditeur, son élève et son ami, qui sut le louer avec éloquence et sensibilité, mais qui aurait plus fait pour sa gloire, s’il eut pu donner toute l’attention nécessaire à des calculs arides et fastidieux pour tout autre que l’observateur lui-même. Malgré tant de travaux, la Caille trouvait encore du temps à donner aux observations des anciens astronomes ou a ses confrères. Bouguer, mourant, lui avait recommandé ses manuscrits ; il fit paraître le Traité de la gradation de la lumière, et donna une édition entièrement refondue du Traité de navigation. (Voy. Bouguer.) Cet ouvrage renfermait une petite table des sinus en nombres naturels ; la Caille y substitua les logarithmes des sinus et des tangentes ; la forme qu’il leur donna parut si commode qu’on le sollicita de les réimprimer à part, et ces tables ont en plusieurs éditions. Il recueillit et publia les observations du landgrave de Cassel et celles de Waltherus, le voyage de Chazelle en Égypte, et celui de Feuillée aux Canaries. Il avait formé le projet d’un ouvrage qu’il voulait intituler : les Âges de l’astronomie, et dans lequel il devait rassembler, calculer et comparer entre elles toutes les anciennes observations, travail repris dans la suite, sous le titre d’Annales de l’astronomie, par Pingré, qui n’eut pas la satisfaction de les voir imprimées, malgré un décret de l’assemblée constituante. Un violent accès de goutte était venu interrompre les travaux de la Caille ; il n’en fut que plus ardent à les reprendre et à profiter de ce qui lui restait de temps et de forces. Il les ménagea trop peu ; pendant un hiver entier il passa les nuits couché sur les pierres de son observatoire pour achever le catalogue de ses étoiles zodiacales. La fièvre, les maux de reins et de tête les plus violents ne pouvaient l’arracher à ce travail. Il avait éprouvé tous les mêmes accidents au Cap ; un peu de repos l’avait guéri : les secours d’une médecine plus savante furent moins heureux à Paris. Il sentit son danger ; il s’occupa de resti-