Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 43.djvu/375

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

portrait, Vigée, toujours tourmenté par les tristes idées qui le poursuivaient, revient encore à ses ennemis. Il mourut dans de grands sentiments de piété, le 7 août 1820, à l’âge de 62 ans. Quelques heures avant d’expirer, il fit une revue de ses papiers, et brûle tous ceux qui lui paraissaient empreints de quelques ressentiments. On croit qu’il détruisit, en cette occasion, des Mémoires sur sa vie et sur ses contemporains, qui contenaient des choses malignes et curieuses, et qu’il se proposait de placer à la tête de la collection de ses Œuvres. Comme auteur dramatique, on a de Vigée : les Aveux difficiles, comédie en un acte et en vers, 1783. Le 6 novembre 1784, il donna au Théâtre-Français la Fausse Coquette, comédie en trois actes, en vers, dont l’intrigue est presque nulle et le style plus prétentieux et plus maniéré que celui de son premier ouvrage. Cette pièce froide réussit cependant : elle eut même l’honneur d’être jouée, dix jours après, devant le roi, et fut imprimée, la même année, in-8° ; mais elle disparut de l’affiche, où elle avait été longtemps annoncée. Peu content de ce demi succès, Vigée risqua sur la scène italienne, le 28 décembre, sous le voile de l’anonyme, les Amants timides, comédie en un acte, en vers, qui, malgré des détails agréables, parut dépourvue de comique et d’intérêt. Mal secondé d’ailleurs par les acteurs de ce théâtre, il revint sur la scène française, et y fit représenter deux comédies, en 1788 : l’une en cinq actes et en vers, la Belle-Mère ou les Dangers d’un second mariage, sorte de drame, dont le principal caractère est manqué, et dont le second titre devrait être le Danger des liaisons. Cette pièce assez mal accueillie, le 24 juillet, et imprimée in-8°, offre quelques situations intéressantes, des détails heureux, pris dans nos mœurs, et surtout une sorte de disparate dans le style, provenant de ce que l’auteur l’avait corrigée pendant trois ans. L’autre en un acte et en vers, l’Entrevue, la meilleure pièce de Vigée, dont le sujet est tiré d’un conte d’Imbert, fut jouée le 6 décembre, et devant le roi trois jours après. Cette comédie réussit par des traits fins et spirituels, des scènes filées et écrites avec goût, et surtout par le talent de Molé et celui de mademoiselle Contat. Elle a été imprimée la même année, in-8°. Vigée donna encore deux comédies au même théâtre : 1° la Matinée d'une jolie femme, en un acte, en prose (29 décembre 1792), imprimée en 1793, in-8°, faible imitation du Cercle de Poinsinet, remplie de fadeurs pour mademoiselle Contat, qui, chargée du principal rôle, y chantait une romance ; 2° la Vivacité à l’épreuve, qui fut sifflée en 1793. Les fadaises et le marivaudage étaient alors passés de mode. Depuis quatorze ans, Vigée avait composé un opéra dont Steibellt devait faire la musique ; mais le départ de ce compositeur empêcha la représentation jusqu’en 1815, où il fut joué avec la musique de Kreutzer, sous le titre de la Princesse de Babylone. Quelques-unes des pièces qu’on vient de citer ont été recueillies en un vol. in-8°, sous le titre d’Œuvres dramatiques de Vigée. M. Lepeintre a publié, dans la Suite du Répertoire du Théâtre-Français, t. 23, les Aveux difficiles et l’Entrevue, et t. 45, la Matinée d’une jolie femme. Il ne faut chercher dans les comédies de Vigée ni naturel ni force comique ; mais on y trouve de l’esprit, des détails heureux et des situations bien amenées. Vigée a eu part aux Veillées des Muses, à la Nouvelle Bibliothèque des romans et au Courrier des spectacles. Ses poésies sont écrites, en général, avec élégance et correction. On distingue dans le nombre les petits poèmes intitulés Ma Jeunesse, Mes Conventions, Mes Visites, Mes Rencontres, et quelques Épîtres. Ses opuscules en vers et en prose ont été réimprimés plusieurs fois avec des additions. L’édition de Paris, 1818, in-18, est la plus complète. On cite encore de lui : 1° Discours couronné par l’académie de Montauban, sur cette question : Combien la critique amère est nuisible aux talents ? Paris, 1807, in-8° ; 2° Procès et mort de Louis XVI, ibid., 1814, in-8°. C’est un épisode d’un poëme sur la révolution, auquel il travailla longtemps, et dont on trouve divers fragments dans les Almanach des Muses ; mais on ignore s’il l’a terminé. 3° Le Pour et le Contre, dialogue religieux, moral, politique et littéraire, ibid., 1818. C’est une satire en vers. On trouve des Notices sur cet écrivain dans l’Annuaire nécrologique et dans la Suite du Répertoire du Théâtre-Français, t. 23, p. 83-85. W-s.

VIGÈE. Voy. Lebrun.


VIGENÈRE (Blaise de), traducteur qui a joui d’une grande réputation, était né le 5 avril 1523. à St-Pourçain dans le Bourbonnais, de parents nobles. Ayant achevé ses études à Paris, il fut employé par le premier secrétaire d’État, et en 1545 il accompagnz l’envoyé de France à la diète de Worms. Après la tenue de cette assemblée, il visita les principales villes d’Allemagne et | des Pays-Bas, pour satisfaire sa curiosité. À son retour en France (1517), le duc de Nevers se l’attacha comme secrétaire ; et il nous apprend lui-même (préf. du Traité des chiffres) qu’il resta depuis le serviteur de cette illustre maison. En 1563, comme il avait des loisirs, il voulut en profiter pour reprendre ses études, interrompues depuis longtemps ; et ayant suivi les leçons de Turnèbe et de Dorat, les deux plus savants professeurs de cette époque, il se rendit bientôt fort habile dans le grec et l'hébreu. Un voyage qu’il fit à Rome, en 1566, avec le titre de secrétaire d’ambassade, lui fournit l’occasion de consulter les plus célèbres rabbins. Son but était d’en tirer de nouvelles lumières pour se perfectionner dans l’hébreu ; mais ébloui de leur érudition mensongère, il voulut lire leurs ouvrages, et devint l’un des plus zélés partisans des rêveries cabalistiques. De retour à Paris en 1569, il s’y maria l’année suivante. Les soins domestiques ne ralentirent