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habitants de Cérilly ont élevé à sa mémoire, dans le cimetière de cette petite ville où reposent ses restes, un monument construit d’après les dessins de Lesueur, et inauguré le 8 juin 1813. Péron y semble enseveli sous le vaisseau le Géographe, démâté et couvert d’une toile comme d’un linceul funèbre. Il paraît avoir trouvé son tombeau dans l’instrument même de cette expédition navale que ses travaux et son talent ont relevée de la déconsidération et de l’oubli. Nous devons présenter une analyse succincte des ouvrages ou mémoires publiés par Péron, et des découvertes zoologiques capitales qu’on lui doit. Un certain nombre même des objets rapportés par l’expédition australe est encore inédit ; et parmi les publications des voyages scientifiques qui suivirent, plusieurs donnent comme nouvelles des espèces qui appartiennent réellement au voyage aux terres australes, c’est-à-dire au consulat et au commencement du premier empire. Le voyage aux terres australes constitue le principal ouvrage de Péron. Il devait avoir quatre volumes. Les deux premiers, consacrés à la relation historique, sont entièrement de Péron, jusqu’au trente et unième chapitre, puis rédigés d’après des notes de Péron et Freycinet ; le troisième, ou partie nautique, est de Freycinet ; le quatrième, qui devait contenir les descriptions zoologiques, n’a pu être achevé, et les matériaux en furent dispersés après la mort de Péron. En anthropologie, nous devons signaler : Observations sur l’anthropologie, brochure, Paris, 1802, opuscule un peu déclamatoire qui détermine l’admission de Péron au nombre des savants du voyage ; puis, dans le voyage, l’étude des naturels de la Tasmanie, de l’Australie et de Timor. Péron reconnaît ce grand fait que les naturels tasmaniens et australiens forment deux rameaux humains distincts, ce qui donne une des preuves de l’antique séparation de l’île de Diémen et de la Nouvelle-Hollande ; un mémoire (2e volume du Voyage) lu à l’Institut en 1805, Sur les Boschismans et la difformité congénitale du tablier ; un mémoire relatif aux Expériences sur la force physique des peuples sauvage : de la terre de Diémen, de la Nouvelle-Hollande et des habitants de Timor (voy. t. 1, p. 1116), dans lequel Péron, mesurant au dynamomètre de Régnier la force de traction des mains et de la région rénale, constate cet important résultat, si contraire aux déclamations de Rousseau, que la force physique est en raison directe du degré de civilisation et de bien-être, et que les farouches et faméliques habitants de la Tasmanie et des côtes australiennes étaient d’une extrême faiblesse musculaire. Les nombreuses découvertes d’animaux vertébrés nous intéressent surtout au point de vue de l’acclimatation, et les tentatives, comme les indications de Péron, sont entièrement conformes aux idées actuelles. -Péron rapporte le premier plusieurs espèces de kanguroos, et il signale l’utilité future de certaines d’entre elles dont l’acclimatation s’opère actuellement en Italie et en Espagne. Il amène en France le cygne noir et le céréopse cendré, belles espèces de palmipèdes dont l’acclimatation est un.fait accompli. Il préconise l’acclimatation du phascoë lome-wombat, d’une chair exquise, du ménure lyre, et essaye en *vain de ramener en France le poisson gourami, naturalisé par Poivre à l’île de la Réunion, et depuis à Cayenne. Un fait des plus curieux est celui de ce casoar sans casque que Péron trouve suspendu au croc des pêcheurs de l’île King (détroit de Bass). Les individus rapportés par Péron constituent une espèce éteinte aujourd’hui, le dromaius acer de Vieillot, de taille moitié plus petite que le dromée actuel de la Nouvelle-Galles du Sud, dont on poursuit activement l’acclimatation pour la chair et les œufs. — Un remarquable mémoire de Péron sur l’histoire de l’éléphant marin ou phoque à trompe (Voyage, t. 2, p. 32), fait connaître le plus gigantesque représentant du groupe des phocidés, espèce qui n’existera plus à la fin du siècle. Péron, le premier, distingua les otariens des phociens proprement dits. Nous ne citerons, à propos des animaux invertébrés, que l’importante découverte de l’animal de la spirale, rencontré flottant à la hauteur des Canaries, et appartenant aux céphalopodes-déc apodes. C’est alors que la science put interpréter exactement les coquilles polythalames fossiles si nombreuses des ammonites, des goniatidés et des n’utilisés, et, beaucoup plus tard, la connaissance de l’animal vivant du nautile vint appuyer par un nouvel exemple les notions dues au voyage de Péron. Deux mémoires concernant l’Histoire générale et particulière des méduses, et les Méduses du genre équorée (Annales du muséum, t. 14, p. 218, 1809, et t. 15, p. 41, 1810), nous donnent la meilleure classification de ces animaux ; mais ils ont perdu de leur importance depuis que les travaux modernes des naturalistes ont fait voir que les méduses ne sont qu’une des phases de la génération alternante des polypes campanulaires. Péron découvrit un genre important de molluscoïdes, qu’il fit connaître dans son Mémoire sur le genre pyrosome (Annales du museum, t. 4, p. 437). Parmi les recherches de Péron, relatives à des sujets plus généraux, il faut signaler la Notice sur l’habitation des animaux marins (Voyage, t. 2, p. 347), dans laquelle, étendant à ces êtres les grandes lois de la distribution géographique établies par Buffon pour les animaux terrestres, il démontre que, malgré leurs moyens de locomotion puissante, chaque espèce est localisée dans certaine région marine. Le chapitre du Voyage sur la phosphorescence de la mer établit pour la première fois sa véritable cause ; elle est due à des animaux : Le Mémoire sur la température de la mer (Annales du museum, t. 5, p. 123) constate l’abaissement progressif dans les grandes mers à mesure qu’on