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cès que l’on attendait, Nicon s’aperçut qu’il avait perdu les bonnes grâces du prince. Craignant des revers humiliants, il demanda et obtint la permission de se retirer dans un monastère, en conservant le titre de patriarche, dont les fonctions seraient exercées par le premier archevêque métropolitain. C’est dans cette retraite honorable qu’il entreprit de revoir les chroniques qui avaient paru sur l’histoire de la Russie, depuis Nestor jusqu’à son temps. Ayant comparé les différentes copies qu’il put se procurer, corrigeant, suppléant par l’une ce qui manquait à I’autre, il forma en langue slavone un corps d’histoire qui va jusqu’à l’an 1630. Schlœzer en a publié (St-Petersbourg, 1767—l768} deux volumes in-4, dont le premier s’étend depuis le commencement de la monarchie jusqu’à l’an 1094 et le second jusqu’à l’an 1237. Il y avait deux cent trois ans que l’art typographique était introduit en Russie, et l’on avait jusque-la négligé de publier les chroniques, qui sont la première source quand on veut étudier l’histoire. Notre patriarche avant quitté la cour, ses ennemis le poursuivirent dans sa retraite. Accusé d’avoir formé des projets contre le czar, d’avoir répandu des bruits odieux sur son souverain et d’avoir écrit contre lui au patriarche de Constantinople, il fut jugé dans un concile, déclaré déchu de la dignité patriarcale, et relégué dans un monastère, loin de la capitale. Après la mort d’Alexis, on le transféra dans un couvent moins éloigné ; il obtint même la permission de revenir à Moscou, dans un couvent qu’il y avait fondé, (1) [1]. Etant mort en chemin, (1681), son corps, par ordre du czar, fut apporté à Moscou, où on lui rendit les honneurs dus aux patriarches. (Voy. Bacmeisler, Mémoires sur la vie du patriarche Nicon, Riga, 1788. in-8o, en allemand.) G-·r.

NICOT (Jean), seigneur de Villemain, secrétaire du roi, ambassadeur en Portugal, etc., ne dut sa fortune qu’à son mérite. Il était né à Nîmes, en 1530, d’un simple notaire peu riche, mais qui cependant n’avait rien négligé pour l’éducation de son fils. Paris l’attira de bonne heure ; il y perfectionna et y étendit ses connaissances, et n’acquit pas moins de capacité pour les affaires, ce qui lui valut tout à la fois l’estime des érudits et la faveur de la cour. Il jouit de la confiance de Henri II et de celle de son successeur. Ce fut François II qui l’envoya en ambassade à Lisbonne. Durant le cours de cette mission, un marchand flamand lui donna de la graine de pétun, plante de l’Amérique, alors inconnue en Europe, et qui depuis y est devenue d’un si grand usage sous le nom de tabac. Nicot, qui en avait envoyé la semence à Catherine de Médicis, lui présenta la

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plante même à son retour de Portugal. Le cordelier Thevet a disputé à Nicot la gloire d’en avoir enrichi la France ; mais sa prétention n’a pas été accueillie, et le nom de nicotiane, imposé d’abord au tabac, lui est resté, du moins dans la langue scientifique. Il constate les droits de Nicot à la reconnaissance du fisc, pour qui cette plante a été et sera probablement longtemps encore d’une si grande ressource, et à celle de l’agriculture et du commerce, à cause des avantages qu’ils en ont retirés, quand il a été permis d’en faire un objet de spéculation agricole et industrielle. Il n’est pourtant pas vraisemblable que Nicot sentît l’importance du présent qu’il offrit à la reine mère et qu’il prévît que ce présent vaudrait un jour tant de millions de revenu à l’Etat. Il a rendu avec plus de connaissance de cause d’utiles services d’un autre genre à la république des lettres. On lui doit une édition très correcte de l’histoire d’Aimoin : Aimonii monachi qui antea Ammonii nomine circumferebatur, historiœ Francorum lib. 4, ex veteribus exemplariis et nova accurataque recensione nunc demum multo emendatiores et meliores, Paris, 1566, in-8o. Dupin, dans sa Bibliothèque universelle, a par erreur attribué cette édition à Pithou. On sait que Nicot y travaillait en 1557, neuf ans avant qu’il la mît au jour. Après sa mort parut son Trésor de la langue française, tant ancienne que moderne, auquel, entre autres choses, sont les mots propres de marine, vénerie et fauconnerie, ci-devant ramassés par Aimar Ranconnet, vivant conseiller du roi et président des enquêtes au parlement, revu et augmenté en cette dernière impression de plus de la moitié, avec une grammaire francoise et latine (de J. Masset), et le recueil des vieux proverbes de la France ; ensemble le Nomenclator de Junius, mis par ordre alphabétique et creu d’une table particulière de toutes les dictions, Paris, 1606, avec privilège du roi et de l’empereur, in-fol. Il y a du même ouvrage une édition da Rouen, 1618, in-4o. Le travail de Ranconnet n’était qu’un faible et léger canevas, qui a disparu sous la broderie dont Nicot l’a enrichi. Il y avait sans doute dans ce travail primitif le germe d’un dictionnaire français, mais Nicot l’a fécondé ; et l’honneur d’avoir fourni le premier modèle d’un ouvrage de ce genre dans notre langue lui est resté. Composé dans un temps où elle n’était pas encore fixée, ce livre, à mesure qu’elle s’est perfectionnée, a dû perdre de son autorité ; et depuis que les Pascal, les Despréaux, les Racine ont écrit, ce n’a plus été qu’un vocabulaire du vieux langage. Cependant il n’a pas été inutile aux auteurs de dictionnaires plus modernes et principalement à celui du Dictionnaire des arts et des sciences, qui l’a souvent copié. Nicot avait laissé en manuscrit un Traité de la marine. Il mourut à Paris le 5 mai 1600. V. S. L.


NICUESSA (Diego de), capitaine espagnol, était un gentilhomme fort riche. qui avait passé en Amérique., où il demeurait dans l’île de Cuba.

  1. (1) La bibliothèque fondée par le patriarche Nicon au couvent qu’il fit bâtir à Woskresenkof, dans le gouvernement de Moscou, est au nombre des plus remarquables de l’empire russe : elle est abondamment pourvue de manuscrits (Revue encyclopédique d’octobre 1821, t. 12, p. 206).