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plus implacable ennemi de sa maison, et lui offrit-il une rançon considérable. Le duc de Lorraine le conduisit lui-même au monarque français, qui l’acheta de Jean de Bidats, pour la somme de 10,000 écus ; mais, à l’étonnement de toute l’Europe, il le combla d’honneurs et de biens, espérant se l’attacher ; et, en effet, le bâtard de Bourgogne le servit avec zèle, ainsi que Charles VIII, qui le fit chevalier de St-Michel, et lui donna des lettres de légitimation. Antoine mourut en 1504, âgé de 83 ans. B-p.


ANTOINE (de Bourbon), roi de Navarre, père de Henri IV, fils de Charles de Bourbon, duc de Vendôme, naquit en 1518. Il fut nommé d’abord duc de Vendôme, devint de son chef premier prince du sang de France, et épousa, en 1548, Jeanne d’Albret, héritière de Navarre, qui lui apporta en dot la principauté de Béarn et le titre de roi. Ce prince, brave, mais irrésolu, flotta presque toujours entre les deux religions et les deux partis qui divisaient la France. Après la mort de Henri II, le connétable de Montmorenci, pour balancer le crédit des Guises, pressa le roi de Navarre de venir prendre au conseil, et auprès du nouveau roi, la place qui lui appartenait ; mais Antoine hésita, n’osant se lier à Montmorenci, qui avait conseillé autrefois à Henri II de s’emparer du reste de son petit royaume de Navarre, déjà presque entièrement envahi par Ferdinand le Catholique. Le roi de Navarre n’arriva à la cour que pour entendre François II lui déclarer qu’il avait confié les rênes du gouvernement à ses oncles, les Guises. On l’éloigna même bientôt, sous le prétexte honorable de conduire sur les frontières d’Espagne la princesse Élisabeth de France, qui allait épouser Philippe II. Rebuté de tous les obstacles qu’on lui opposait à la cour, il se retira dans la principauté de Béarn ; et, par son irrésolution, se perdit dans l’esprit des huguenots, qui n’attendaient qu’un chef pour prendre les armes. Ils choisirent le prince de Condé, son frère, plus entreprenant, plus ferme dans ses principes. Ce prince, voyant le roi de Navarre oublié et méprisé de la cour, redoubla d’efforts pour l’entraîner dans la révolte. Sur le bruit d’une confédération redoutable, les deux frères sont mandés a la cour ; et le roi de Navarre refuse d’accepter les secours que la noblesse s’empresse de lui offrir, ne voulant être armé que de sa seule innocence. Instruit que les Guises ont arraché à la faiblesse de François II le consentement de son assassinat, il montre alors une fermeté qui n’était point dans son caractère : « S’ils me tuent, dit-il à Reinsy, son gentilhomme, portez à ma femme et à mon fils mes habits tout sanglants ; ils y liront leur devoir. » Il entre d’un air intrépide dans la salle du conseil, et en impose à ses ennemis, qui n’osent attenter à ses jours. Ses alarmes après la condamnation du prince de Condé, et les dangers auxquels il se trouva exposé lui-même, le décidèrent à céder la régence à Catherine de Médicis pendant la minorité de Charles IX, et à se contenter de la lieutenance générale du royaume, qui ne fut qu’un vain titre entre ses mains. Il servit dés lors la reine mère, qu’il haïssait, et se réconcilia même avec les Guises, qui lui faisaient espérer, tantôt de lui faire restituer par le roi d’Espagne son royaume de Navarre, tantôt de lui faire donner la Sardaigne en échange. Détaché entièrement du parti des huguenots, il embrassa la religion catholique, renvoya en Béarn Jeanne d’Albret, après lui avoir ôté l’éducation du jeune Henri son fils, et forma avec le duc de Guise et le connétable de Montmorenci cette union appelée par les protestants le triumvirat. La guerre civile s’étant allumée, le prince de Condé, chef des protestants, s’approcha en armes de Fontainebleau, où étaient la cour, son frère le roi de Navarre et Catherine de Médicis. Cette princesse était alors d’intelligence avec le prince de Condé, et voulait se remettre entre ses mains ; mais le roi de Navarre, gagné par les Guises, vint lui déclarer qu’il fallait ramener le roi à Paris. La reine hésitait : « Vous pouvez rester si bon vous semble, lui dit le roi de Navarre, nous partons. » Il fallut le suivre. Au milieu des hostilités, les deux frères eurent une entrevue à Thoury, en présence de Catherine de Médicis. Le roi de Navarre reprocha au prince de Condé sa révolte et l’embrasement du royaume, et ce prince reprocha au roi de Navarre son asservissement aux Guises. Les esprits s’aigrirent, il fallut rompre la conférence et reprendre les armes. L’amour du roi de Navarre pour la belle du Rouet, l’une des demoiselles de la cour que Catherine de Médicis menait à sa suite, le retint dans le parti catholique, et servit aux projets de la reine mère. S’étant mis à la tête de l’armée royale, il fit échouer, à l’ouverture de la campagne de 1562, l’entreprise du prince de Condé sur le camp royal, et soumit ensuite la ville de Bourges. La même année, il fit le siége de Rouen, et fut blessé dans la tranchée d’un coup de mousqueton. Lorsque la ville fut prise, il s’y fit porter sur son lit par ses Suisses, et y entra victorieux par la brèche. Sa blessure, qui n’était point dangereuse, devint mortelle par son incontinence. Pressé de revenir à Paris, et remontant la Seine en bateau, une fièvre ardente et des douleurs aiguës l’obligèrent à se faire débarquer aux Andelys, où il expira, le 17 novembre 1562, en horreur aux protestants qu’il avait abandonnés, et peu regretté des catholiques. Les historiens le peignent comme un prince voluptueux et timide, oubliant les injures, plus par faiblesse que par magnanimité ; aussi les Parisiens dirent-ils qu’en ouvrant son corps on n’avait trouvé ni cœur ni fiel. Il mourut dans la même irrésolution ou il avait vécu, relativement à la religion. Jamais on n’avait pu le porter à répudier Jeanne d’Albret pour épouser Marie Stuart, alliance qui, au lieu des restes toujours menacés du royaume de Navarre, lui aurait procuré l’Écosse, et peut-être les trois royaumes britanniques. Son attachement pour Jeanne d’Albret, ou, selon quelques auteurs, le respect de Marie Stuart pour les droits de cette première épouse, fit échouer la négociation. Antoine de Navarre laissa de son mariage avec l’héritière de ce royaume, Henri IV, et Catherine de Navarre, mariée à Louis de Lorraine. Il avait en de Louise de