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en refusant d’entrer publiquement dans la ligue contre les Ottomans, permit qu’on levât des décimes sur tout le clergé pour subvenir aux frais de la guerre, et fit donner à d’Aubusson 16 000 écus d’or. Le succès de sa négociation ne fit qu’ajouter à la haute idée de ses talents, et à la bienveillance de l’ordre. Né Français, il soutenait avec fermeté les prérogatives de sa nation et son noble caractère se développa dans les conseils de Rhodes, comme dans les cours de la chrétienté. Des Ursins, successeur de Milly, ayant créé une nouvelle dignité de bailli capitulaire, pour les chevaliers de la langue d’Auvergne, le commandeur d’Aubusson en fut revêtu le premier, et, bientôt après, le grand prieuré d’Auvergne lui fut déféré. La surintendance des fertilisations de l’île lui fut confiée ; son esprit actif et son génie supérieur suffisaient à tout : il était l’âme et le bras du conseil de la religion. Les vœux des chevaliers et même du peuple l’appelaient à la grande maîtrise, lorsque la mort de des Ursins, en 1416, le fit proclamer unanimement. D’Aubusson ne pouvait être élu dans des circonstances plus glorieuses ni plus difficiles. Le conquérant de Constantinople, Mahomet II, menaçait l’île de Rhodes avec toute sa puissance. Le nouveau grand maître fit tête à cet orage. Le port de Rhodes fut fermé par ses ordres avec une grosse chaîne ; de nouveaux forts, de nouveaux ouvrages furent construits, et 10 les préparatifs d’une défense vigoureuse furent achevés avant l’apparition des Ottomans. Ce fut en 1480 que leur flotte parut devant l’île, forte de cent soixante vaisseaux de haut bord, portant 100 000 hommes de débarquement, commandés par le pacha Paléologue, renégat de la race des derniers empereurs grecs, et qui s’était vendu au conquérant. Après un siège de deux mois, le grand maître vit les Ottomans, découragés de la résistance, effrayés de leurs pertes, humiliés de leurs affronts, se rembarquer honteusement. D’Aubusson, qui, depuis le premier assaut, n’avait pas quitté les remparts et s’était toujours montré le premier aux postes les plus périlleux, rentra dans son palais, couvert de son propre sang et de celui des ennemis. Il remercia dieu de ses succès, et bâtit, en actions de grâces, la magnifique église de Ste-Marie de la Victoire. La mort de Mahomet II empêcha les suites terribles de sa colère et de sa honte ; il préparait, contre Rhodes, un second armement encore plus formidable, lorsqu’il mourut en 1481. Sa mort laissa le trône à Bajazet II ; mais Jem, ou Zizime, son frère puîné, le lui disputait. Ce prince, vaincu, prescrit, poursuivi, demanda un asile au généreux d’Aubusson. Le grand maître l’accorda par humanité et par politique, et devint l’hôte et le protecteur d’un prince du sang des sultans. Forcé, au bout de quelques mois, d’éloigner cet infortuné, que la haine de son frère cherchait à atteindre par le fer ou par le poison, le grand maître accorda la générosité avec l’intérêt et la tranquillité de l’ordre dont il était chef, en faisant passer Zizime en France, sous la garde du chevalier de Blanchefort, et en le faisant garder dans la commanderie de Bourganeuf, près de Limoges. Le pape Innocent VIII exigea que le prince ottoman fût remis entre ses mains : le grand maître n’osa pas désobéir au souverain pontife, dont il dépendait immédiatement. Zizime passa à Rome, et d’Aubusson, pour prix de sa soumission, fut revêtu de la pourpre en 1489. Cependant les princes chrétiens, et Charles VIII à leur téte, préparaient une croisade contre les Ottomans. D’Aubusson, indigné de la mauvaise foi de Bajazet, avait accepté l’honneur de la commander. La mort violente et imprévue de Zizime, dont on accusa le pape Alexandre VI, les jalousies des puissances alliées, dissipèrent cette grande entreprise. D’Aubusson, pénétré de douleur de voir son nom et son honneur compromis par la perfidie dont son illustre protégé avait été la victime ; de voir un si vaste armement n’aboutir qu’à de vaines menaces, tomba dans une mélancolie profonde qui le fit descendre au tombeau, le 15 juillet 1505, à l’âge de 80 ans. Pendant trente-et-un ans qu’avait duré son sage et brillant magistère, il ne cessa pas d’être chéri et respecté de ses chevaliers : unissant une piété solide à une valeur éprouvée, la fermeté à la douceur, l’économie a la bienfaisance, il fut le plus illustre grand maître que l’ordre eût encore vu à sa tête. On a, sous le nom de Pierre d’Aubusson, un récit en latin du siège de Rhodes, sous ce titre : de servata urbe prœsidioque suo, et insigni contra Turcas victoria, ad Fridericum III imperatorem Relatio ; il se trouve dans le recueil de Scriptoribus Germaniœ, Francfort, 1602, in-fol. Le P. Bouhours (voy. ce nom) a donné en 1676 : Histoire de Pierre d’Aubusson, grand maître de Rhodes, réimprimée en 1077, 1759 et 1806.

AUBUSSON (François d’), duc de la Feuillade. Voyez Feuillade (de La).


AUBUSSON (Jean d’), troubadour du 13e siècle, a laissé une pièce assez singulière, dans laquelle, en se faisant expliquer un rêve, il fait allusion à l’expédition de Frédéric II, empereur d’Allemagne, contre la ligue de Lombardie, dont il explique les résultats. Cette allégorie dialoguée peut servir à juger quelle étendue les jurisconsultes d’alors, d’après lesquels il y a lieu de croire qu’Aubusson raisonne, voulaient donner à la domination des empereurs d’Allemagne. Millot a rapporté cette pièce dans son Histoire littéraire des Troubadours.


AUBUSSON (Jean d’), de la Maison-Neufve. C’est ainsi qu’il faut écrire le nom de cet auteur, et Duverdier a commis une faute, en le nommant simplement Jean de la Maisoneufve ; car il semble par là le distinguer de Jean d’Aubusson, et fait deux auteurs d’un seul. Il paraît, par le titre qu’il joignait à son nom, qu’il était d’une famille noble et propriétaire de fiefs. Peut-être, et c’est l’opinion de l’abbé Goujet, que le mot de Berruyer, ajouté au titre de la Maisoneufve, par Duverdier, prouve qu’il était originaire du Berri. Il était né vers l550. Il fit imprimer, à Paris : 1° Discours sur le magnifique recueil (accueil) fait par les Vénitiens à M. le cardinal de Lorraine, en 1556. 2° L’Adieu des neuf Muses, ou : rois, princes et princesses de France, à leur département du festin nuptial de