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membres les plus marquants du parti antidirectorial au conseil des cinq-cents. On lui a reproché de a partialité, beaucoup de jalousie contre ceux de ses collègues qui pouvaient être ses rivaux, et un trop grand amour des plaisirs. Il s’occupait dans son exil d’un ouvrage sur la révolution française. Pichegru, qui n’avait pas une haute idée de ses talents littéraires, lui faisait quelquefois, sur ses prétentions, des plaisanteries qui lui donnaient de l’humeur, et à la suite desquelles Aubry menaçait le général de changer l’article qui le concernait dans son histoire. Cependant il ne pouvait résister au désir d’en lire des fragments à ses compagnons d’infortune, et de leur demander ce qu’ils en pensaient. Lorsque Pichegru avait à prononcer sur leur mérite, il ne manquait jamais de dire à Aubry : « Ce que j’en pense, mon camarade…», et, paraissant réfléchir, il ajoutait : « Change mon article. »

M-d j.


AUBRY (Claude-Charles), général français, naquit à Bourg en Bresse, le 23 octobre 1775. Fils d’un ingénieur des ponts et chaussées, il se destinait à la profession de son père, lorsque la révolution vint lui offrir une autre carrière. Il entra comme élève sous-lieutenant dans les écoles d’artillerie le 10 mars 1792, et parvint successivement au grade de capitaine (1er août 1795). Il fit en cette qualité, avec beaucoup de distinction, les campagnes de l’époque, à la frontière du nord, sur le Rhin, et particulièrement à l’armée de réserve qui pénétra dans le Milanais au commencement de l’année 1800, sous les ordres du consul Bonaparte. Dans le mémorable passage du St-Bernard, le capitaine Aubry concourut par son activité et son intelligence au transport de l’artillerie ; et il se distingua encore quelque temps après par son courage au passage du Mincio. Il entra ensuite dans l’artillerie de marine, et fut nommé en 1801 chef de bataillon et directeur de l’artillerie à St-Domingue. Revenu en Europe après les désastres de l’armée française, il rentra dans l’artillerie de terre, fut nommé major en 1805, et colonel en 1801. Chef d’état-major de l’artillerie de Masséna dans la campagne de 1809, il concourut par son habileté à la construction des ponts qui devaient porter l’armée française sur la rive gauche du Danube, et fut nommé général de brigade a la suite de cette belle opération. Blessé grièvement à la bataille d’Essling, il reçut le titre de baron. S’étant promptement rétabli, il passa dans les provinces Illyriennes aussitôt après la paix de Vienne, et fut chargé, dans ces contrées, de plusieurs inspections aussi fatigantes que périlleuses. L’empereur lui donna en 1810 un emploi moins pénible, en le nommant directeur de l’école d’artillerie d’Alexandrie, avec une dotation de 1 000 fr. Mais Aubry ne devait pas jouir longtemps de cette heureuse position ; il fut appelé dès le commencement de 1812 à la grande armée qui se préparait à l’invasion de la Russie, et il prit une part honorable aux batailles de Smolensk, de la Moskowa et de Tolentino ; mais ce qui le distingua surtout dans cette funeste expédition, ce furent l’habileté et le courage qu’il déploya dans la soudaine construction de ce pont miraculeux de la Bérésina qui sauva Napoléon et les débris de son armée[1]. Aubry reçut, pour récompense d’un si grand service, le titre de comte et le grade de général de division. Il fit encore en cette qualité la campagne de Saxe en 1815, et se fit remarquer aux batailles de Lutzen, de Bautzen, et surtout à Leipsick, où il eut, dans la troisième journée (18 octobre 1813), les deux cuisses emportées par un boulet. Ce brave officier expira le lendemain après une douloureuse amputation. — Plusieurs militaires du même nom se sont distingués dans les guerres de la révolution et de l’empire.

M-d j.


AUBRY (Marie-Olympe de Gouges, femme). Voyez Gouges.


AUBUSSON (Pierre d’), grand maître de l’ordre de St Jean de Jérusalem, naquit en 1423 ; il descendait, par son père, des anciens vicomtes de la Marche, et, par sa mère, il était allié aux rois d’Angleterre. Presqu’au sortir de l’enfance, il porta les armes dans la Hongrie, alors déplorable théâtre des ravages des Ottomans ; et, à peine âgé de vingt ans, il mérita, par sa prudence et son intrépidité, d’être distingué de Sigismond de Luxembourg, alors empereur d’Allemagne, sous les drapeaux duquel il était venu se ranger. Des apparences de guerre entre l’Angleterre et la France le rappelèrent dans sa patrie. Au milieu du tumulte des camps et dans les intervalles de repos, il s’était livré à l’étude de la géographie, de l’histoire et des mathématiques. Son esprit était aussi formé que son jugement, et sa réputation répondait à sa naissance et à son instruction, lorsque son cousin Jean d’Aubusson, chambellan du roi Charles VII, le présenta à la cour. Il ne tarda pas à gagner les bonnes grâces du dauphin, qui régna depuis sous le nom de Louis XI. D’Aubusson l’accompagna au siège de Montereau, en 1447 ; et, s’il ne put pas empêcher le scandale d’un fils révolté contre son père, du moins la sagesse de ses conseils dispose le jeune prince à un prompt retour. D’Aubusson suivit le dauphin dans son expédition contre les Suisses, en 1444, à l’attaque de Bâle, et au combat de St-Jacques. Un assez long repos succéda à ces guerres d’une importance secondaire. D’Aubusson, indigne de l’oisiveté, et animé par les nobles exemples de Huniade et de Scanderbeg, dont il partageait la haine contre l’ennemi du nom chrétien, conçut l’idée de se rendre à Rhodes, et d’entrer dans l’illustre et religieuse milice dont la vocation était de poursuivre et de combattre sans relâche les musulmans. il obtint bientôt, par sa conduite, une commanderie, et le grand maître de Milly l’envoya ambassadeur en France, pour réclamer des secours contre les infidèles. Il négocia si habilement et avec tant de succès, que Charles VII,

  1. On avait été obligé d’abandonner tous les pontons sur la route de Moscou, pour en atteler les chevaux aux pièces d’artillerie, ou pour les manger ; et ce pont de la Bérésina dut être établi en moins de vingt-quatre heures, sans autre moyen que des bateaux de pêcheurs et quelques actives de maisons démolies au même instant. Trois fois il fut brisé par les glaces, par le poids de l’artillerie, des équipages, la masse des fuyants qui s’y précipitaient ; et trois fois les intrépides constructeurs le rétablirent sous le feu de l’artillerie ennemie.