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berté des ecclésiastiques français qui étaient détenus dans les prisons, et accusés de prosélytisme. Peu de temps après son retour, le P. de Sancy fut chargé, auprès du duc de Savoie, d’une négociation importante, dont on couvrit le secret du prétexte de fonder une maison de l’oratoire dans le diocèse d’Annecy ; et il s’en acquitta à la satisfaction de la cour. En 1629, il fut sur les rangs pour succéder au cardinal de Bérulle dans le généralat de l’Oratoire ; ses talents, ses bienfaits et ses services auraient vraisemblablement réuni tous les suffrages en sa faveur, si l’on n’eût craint que le cardinal île Richelieu, qui avait fait solliciter à Rome le titre de fondateur de la congrégation, n’abusât de l’autorité d’un chef qui lui était dévoué, pour exercer sur le corps une domination contraire à l’esprit de liberté dont on y faisait profession. Le P. de Sancy, entrant dans les vues de ses confrères, les avait priés de ne point songer à lui ; et il fut dédommagé de ce sacrifice par l’évêché de St-Halo, que le premier ministre lui donna en 1651. Dans ce nouveau poste, il présida aux états de Bretagne de 165-1, et y fit admirer son éloquence et sa capacité dans les affaires. Il fut un des quatre évêques chargés de procéder contre ceux des prélats de Languedoc qui avaient trempé dans la conspiration du duc de Montmorency ; ensuite, un des juges de René de Rieux, évêque de Saint-Pol-de-Léon, prévenu d’avoir favorisé l’évasion de la reine mère hors du royaume ; enfin, un des commissaires de l’assemblée du clergé de 1655 qui provoquèrent la déclaration de nullité prononcée contre le mariage de Gaston d’Orléans avec la princesse de Lorraine. Mais la vigueur avec laquelle il s’opposa, dans cette assemblée, aux subsides extraordinaires qu’en exigeait la cour, au mépris de toutes les formes reçues, lui attira le ressentiment du cardinal. Dès ce moment, lt. de Sancy renonça entièrement aux affaires publiques, et alla se consacrer sans réserve au soin de son troupeau ; il établit à St-Malo le premier séminaire qu’il y ait eu en Bretagne ; soumit le chapitre de sa cathédrale à la juridiction épiscopale, mit la réforme dans les communautés religieuses des deux sexes ; fit assidûment la visite de son diocèse, lui procura de fréquentes missions, répandit d’abondantes aumônes, et mourut dans l’exercice de tous les devoirs de la charge épiscopale, le 20 novembre 1616. Il. de Sancy savait parfaitement l’italien, l’espagnol et l’allemand ; pendant son séjour à Constantinople, il avait appris à fond le grec ancien et moderne, l’hébreu de la Bible et celui des rabbins ; il parlait avec facilité le grec vulgaire et la langue rabbinique. Il a mérité la reconnaissance des savants par la collection qu’il forma, à grands frais, des plus beaux manuscrits des livres saints en hébreu, en arabe, en chaldéen et en syriaque, parmi lesquels on distingue le Pentateuque samaritain, apporté par le savant Pietro della Valle, et qu’en regarde comme le plus bel exemplaire en ce genre qu’il y ait en Europe. Il y joignit

des Bibles hébraïques imprimées et les ouvrages des rabbins également imprimés à Salonique et à Constantinople avec beaucoup plus de correction et d’exactitude que ceux qu’en avait en Occident. Tous ces monuments, légués par lui à la bibliothèque de St-Honoré (à Paris), ont servi de base aux grands travaux des PP. florin, Richard Simon, Houbigant, etc. Nous avons de ce prélat une Ode à la louange d’Antoine Leclerc de Laforêt, son professeur de droit, imprimée à la tête du Commentaire latin de ce poete jurisconsulte sur les lois romaines, Paris, 1603, in-4° ; une Relation des persécutions que les ecclésiastiques français attachés à la reine d’Angleterre éprouvèrent de la part du duc de Buckingham, publiée sous le nom d’un gentilhomme de cette reine, dans le Mercure français de 1616. Il avait pris chaudement le parti du cardinal de Richelieu contre la reine mère. On lui attribue, dans cette affaire, les deux écrits suivants : Discours d’un vieux courtisan désintéressé, sur la Lettre que la reine mère du roi a écrite à Sa Majesté après être sortie du royaume. 1651, in-8° ; Réponse au libelle intitulé Très-humble, très-véritable et très-importante remonstrance au roi, 1632. Dans ce dernier, il fait l’apologie de tous les procédés du cardinal ministre contre Marie de Médicis, qui s’y trouve peu ménagée, et contre tous les partisans de cette infortunée princesse, dont il fait la satire. On conservait dans la bibliothèque du président de Harlay un manuscrit de sa composition intitulé Journal du cardinal de Richelieu. Ricaut lui attribue une Relation de la mort du sultan Ibrahim, et dont lui-même s’est servi dans sa Relation de l’empire ottoman.

T—d.


HARLAY (François 1er de), quatrième archevêque de Rouen, fils de Jacques de Harlay, marquis de Chanvalon, naquit à Paris en 1586. Il fut pourvu à l’âge de dix-sept ans de la riche abbaye de St-Victor, sur la démission du cardinal de Lorraine, qui, frappé d’admiration de la manière brillante avec laquelle il avait subi en sa présence ses examens au collége de Navarre, obtint de Henri IV la permission de la lui résigner. Il parut avec éclat sur les bancs de théologie, soutint sa Sorbonique avec la plus grande distinction, sur toute la Somme de St-Thomas, et prêcha en grec, dans l’église des franciscains de Charonne, un sermon qui lui attira des applaudissements universels ; mais l’ambition de parvenir rapidement aux dignités ecclésiastiques lui fit jouer un rôle peu honorable dans l’affaire de Richer, qu’il dénonça comme ayant des relations suspectes avec les ennemis de l’Église, et dans les états de 1614, où il prononça un discours qui, ayant été imprimé contre l’avis des cardinaux de Larochefoucauld et du Perron, fut supprimé par sentence du Châtelet, comme contenant des propositions contre les maximes de l’Église gallicane. Il se montra d’une manière plus digne de son rang et de son caractère dans une