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cile. Le résultat de ses recherches est consigné dans son ouvrage, intitulé : Trattato di transportar la guglia in ste la piazza di San-Pitro, Roma. 1583, in-4o. Nous avons encore d’Agrippa : 1° Trattato di cienzia d’arm, con un dialogo di filosofia, Rome, 1553 ; Venet., 15608, 1604, in-4o ; 2° Dialogo sopra la generatione de venti, etc., Roma, 1584, in-4o ; 3° Nuevei Invenzioni sopra il modo di navigare, Roma, 1595, in-4o. Tous les ouvrages d’Agrippa sont rares. D. l.


AGRIPPA, astronome de la fin du Ier siècle de l’ere chrétienne, célèbre par une observation astronomique qu’il fit sur la lune ; étant en Bithynie, la 4° année de la 217° olympiade (l’an de J.-C. 92), il constata que la lune était en conjonction avec les pléiades. (Voy. l’Almageste de Ptolomée, liv.7, c. 3, p. 170 de l’éd. de Bâle, 1538.) D-t.


AGRIPPINE, fille de Mt Vipsanius Agrippa, et de Julie, fille d’Auguste, épousa Germanicus, et lui donna neuf enfants, entre autres Caligula et Agrippine, mère de Néron. Sa fécondité, son attachement à son mari, et son caractère fier et inflexible, la rendirent odieuse à Livie et à Tibère. Elle montra de la grandeur et de la fermeté lors de la révolte des légions romaines dans la Pannonie, et ne céda qu’à la dernière extrémité aux instances de Germanicus, qui la priait de quitter le camp et de se mettre en sûreté, ainsi que son fils et l’enfant qu’elle portait dans son sein. Elle répondait qu’elle descendait du divin Auguste, et avait hérité de sa constance dans les dangers. Lorsque l’armée romaine, commandée par Cæcina, eut échappé aux armes d’Arminius et d’Inguiomar, et fut parvenue à regagner les bords du Rhin, Agrippine s’opposa à ce qu’on rompit un pont qui avait été jeté sur ce fleuve, et qui était nécessaire aux légions pour rentrer sur le territoire de l’empire. Elle fit ensuite, pendant quelques jours, les fonctions de général, distribuant des soulagements et des vivres aux soldats qui souffraient de leurs blessure et de la faim. Une conduite si généreuse ne pouvait plaire à Tibère ; il l’attribua à des vues ambitieuses, et son favori Séjan fortifia ses soupçons. Lorsque Germanicus partit pour l’orient, Agrippine l’accompagna encore. Pison et Plancine sa femme prirent à tâche d’insulter Agrippine et de l’irriter ; ils se montrèrent dans toutes les circonstances ennemis déclarés de Germanicus, qui mourut à Antioche avec la persuasion qu’il était empoisonné par eux. Outrée de douleur et d’indignation, la veuve de ce grand homme s’embarqua avec ses cendres, et arriva à Brindes, ou elle donna un grand spectacle de deuil : les habitants la reçurent avec les témoignages de la plus vive douleur. Elle attira tous les regards lorsqu’elle sortit du vaisseau, accompagnée de deux de ses enfants, Caïus et Julie, et portant l’urne itinéraire. Tibère, qui ne voulait pas laisser paraître sa joie, ne se montra point en public lorsqu’à Rome on déposa les cendres de Germanicus dans le tombeau d’Auguste ; mais Agrippine put voir combien le peuple était sensible à cette perte. On conçut pour elle une admiration qui blessa profondément Tibère. On l’appelait l’honneur de la patrie, l’unique rejeton d’Auguste, le seul modèle des mœurs antique. Tibère se vit obligé d’imposer, en quelque sorte, silence aux regrets publics, par un édit ; mais Agrippine eut au moins la consolation de voir que Pison, accusé de la mort de Germanicus et d’actes d’insubordination, périt avant que le procès fut jugé, soit qu’il se fût tué lui-même, soit que plus vraisemblablement l’empereur lui eût fait donner secrètement la mort. Toujours implacable, quoique son mari l’eut suppliée en mourant d’adoucir sa fierté, elle fut en butte aux persécutions de Séjan et de Tibère ; mais elle n’en fut pas moins hardie à poursuivre de ses reproches l’empereur lui-même. Lorsque sa parente, Claudia Pulchra, fut accusée d’adultère par Afer, elle lui parla avec tant de véhémence en faveur de cette femme, que Tibère, sortant de son caractère dissimulé, lui appliqua, avec une sorte de franchise, un vers grec dont le sens était : « Votre chagrin vient de ce que vous ne régnez pas. » Fatiguée par les maux de l’âme et par la malaadie, elle eut la faiblesse de demander un mari à l’empereur, qui vint la visiter. Elle ajouta, il est vrai, que c’était pour qu’elle même et les enfants de Germanicus eussent un protecteur contre leurs ennemis ; toutefois, cette demande est une espèce de tache au caractère d’Agrippine. Tibère savait trop que l’époux d’Agrippine serait un homme dangereux pour sa puissance : il se retira sans répondre. Agrippine accrut encore la haine qu’il lui portait, lorsque, sur des rapports que Séjan avait fait parvenir en secret pour la perdre, elle refusa de manger à la table de l’empereur, et lorsqu’elle remit aux esclaves des fruits qu’il lui présentait. Tibère ne lui en fit aucun reproche ; mais, se tournant vers sa mère : « On ne sera pas étonné, dit-il, si je traite avec quelque sévérité une femme qui veut me faire passer pour un empoisonneur. » Mots qui, quelque modérés qu’ils parussent, accréditèrent le bruit que l’on tramait la perte d’Agrippine. Bientôt Tibère ; ne gardant plus de mesures, l’accusa formellement dans une lettre qu’il écrivit au sénat. Il s’exprimait avec une extrême dureté sur Agrippine et sur Néron son fils, auquel il reprochait des mœurs dissolues. La réputation d’Agrippine était tellement intacte, que Tibère n’osa pas essayer de la ternir, mais il l’accusa d’arrogance et d’inflexibilité. Quelque porté que fût le sénat à souscrire aux volontés de Tibère, il hésita d’abord à prendre un parti ; le peuple, de son côté, se prononçait hautement en faveur d’Agrippine et de son fils, dont il portait les images autour du lieu où siégeait le sénat. Séjan, furieux, écrivit aux sénateurs une lettre menaçante ; Tibère se plaignait à la fois du sénat et du peuple. Il n’en fallait pas tant pour déterminer des hommes accoutumés depuis longtemps à la plus basse obéissance. Agrippine fut exilée dans l’ile de Pandataire, aujourd’hui Santa-Maria, où sa mère avait aussi été reléguée à cause de ses débordements. Le malheur ne put fléchir son caractère, elle témoigna hautement toute l’horreur et tout le mépris que lui inspirait Tibère, et le centurion qui la gardait eut la lâcheté de la frapper au visage avec tant de brutalité, qu’elle en perdit un œil.