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commandait cette troupe le 6 octobre 1789, lorsqu’elle accompagna à Paris Louis XVI entraîné par la populace sous les ordres de Lafayette. Il continua à rester près du prince jusqu’au voyage de Varennes, et n’émigra point, mais fut souvent incarcéré ; il est mort à la même époque que son frère. — Trois autres officiers de la même famille émigrèrent en 1792, et subirent aussi toutes les conséquences de leur dévouement à la cause monarchique. Ils moururent dans le plus profond oubli. M—dj.

THIÉBAUT, Voy. Théobald, XLV, 265.

THIER (Jean du), chevalier, seigneur de Beauregard, naquit, dans les premières années du xive siècle, à Sens (Yonne), où son père, Olivier du Thier, était receveur des domaines. Dès sa jeunesse il s’attacha au célèbre Anne de Montmorenci, depuis connétable ; fut son secrétaire et travailla sous lui aux affaires les plus importantes de l’Etat jusqu’en 1541, époque de la disgrâce de ce haut personnage. Il le suivit en exil et, l’année suivante, n’en fut pas moins pourvu d’une charge de secrétaire du roi. Il remplaça aussi son père comme receveur à Sens, et garda ces deux emplois jusqu’à la mort de François Ier. A l’avénement de Henri II, en 1547, le connétable, rappelé à la cour, et jouissant de la plus grande faveur auprès du nouveau monarque, n’oublia pas du Thier, et le récompensa de sa fidélité, en le faisant nommer l’un des quatre conseillers et secrétaires des commandements et finances que le roi établit pour expédier seuls les affaires de son royaume. Plus tard, en avril 1559, ces fonctionnaires reçurent le titre de secrétaires d’Etat, et furent ainsi les premiers en France honorés de ce nom. Du Thier eut dans son département le Piémont, Rome, Lyon, le Dauphiné, Venise et tout le Levant. Il donna tant de preuves de sa capacité et de son intégrité, qu’en 1553, le roi le nomma encore contrôleur-général des finances. Il mourut en septembre 1559, n’ayant eu de sa femme Marguerite de Pelletan, qu’une fille, Jeanne du Thier, qui ne se maria point et fut dame d’honneur de la reine Catherine de Médicis. (Pour des détails plus circonstanciés, consultez l’Histoire des secrétaires d’Estat, par Fauvelet du Toc.) Les grandes places qu’occupa du Thier ne l’empêchèrent point de cultiver la littérature. Il savait l’italien, faisait des vers, protégeait les poètes, et se montrait en général le Mécènes des gens de lettres de son temps. C’est le témoignage que lui rend Ronsard, qui le loue dans plusieurs de ses ouvrages, et dit, dans un Discours en vers qu’il lui adressa :

Tu n’es pas seulement poète très-parfait ;
Mais si en nostre langue un gentil esprit fait
Epigramme ou sonnet, épistre ou élégie,
Tu lui as tout soudain ta faveur eslargie, etc. »

Joachim du Bellay ne parle pas moins avantageusement de du Thier (Voy. l’Epître qui est en tête de ses jeux rustiques[1]. Les poésies que

  1. Dans une de ses harangues, le célèbre Ramus vante la générosité de du Thier, qui, ayant été chargé d’expédier les ordres du roi en faveur de l’Université, après la fameuse affaire du Pré-aux-Clercs, « ne voulut, dit-il, aucun salaire de sa peine, sinon que l’Université lui en sceust gré, et en eust souvenance. » Crévier, Histoire de l’Université de Paris, vi. 36. « Ainsi, ajoute l’Historien, les secrétaires d’état se faisaient payer alors de leurs expéditions, comme les greffiers des cours de justice. »