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a consacré quelques lignes à un Odoare Thibaut, mathématicien à Louvain, qui publia, à Paris, chez Guill. Niverd, une Pronostication pour 1550, et à Rouen, chez Guill. de la Mothe, une Pronostication pour 1551. Cet Odoare, n’était-il pas le fils ou le parent de Jean qui précède ? B—l—u.

THIBOUVILLE (Henri Lambert d’Erbigny, marquis de), homme de beaucoup d’esprit, mais littérateur médiocre, naquit à Paris en décembre 1710. Il suivit d’abord la carrière des armes, et devint, jeune encore, mestre de camp (colonel) des dragons de la reine. D’après le passage suivant du journal historique de Collé, Thibouville n’aurait pas eu la bravoure qui distingua toujours la noblesse française. « Quand la guerre se déclara, il alla pour joindre son régiment qui servait en Italie ; la peur le saisit à Lyon, et il ne put se déterminer à poursuivre sa route. On nomma à son régiment, et il revint déshonoré à Paris avec soixante-dix mille livres de rentes. Tout méprisé qu’il était, il fut reçu partout, etc. » Il y a probablement de l’exagération dans ce récit. Collé n’est pas plus favorable aux mœurs du colonel qu’a son mérite militaire. Il l’accuse d’un vice honteux qui effectivement lui a été reproché par d’autres, (Voy. surtout ce que dit Marmontel dans le troisième livre de ses Mémoires), et auquel, malgré son attachement pour Thibouville, Voltaire a fait allusion, en accolant le nom du marquis à celui du duc de Villars, dans un vers des premières éditions d’un poème trop fameux[1]. Quoi qu’il en soit, Thibouville se maria, et comme tous les grands seigneurs d’une époque très-peu exemplaire, il eut des maîtresses, entre autres une jeune et jolie actrice, nommée Mélanie de Laballe qui débuta à la Comédie française, en 1746, dans le rôle d’Agnès de l’École des Femmes, et mourut de la petite vérole, le 16 novembre 1748, âgée de 16 ans. A l’occasion de cette liaison, qui ne put être longue, on répandit dans le public une épigramme fort licencieuse, rapportée à la page 418 du onzième tome des 0Euvres de Voltaire, édit. de Beuchot. Le goût de Thibouville pour le théâtre, et son talent pour la déclamation l’avaient mis de bonne heure en relation avec l’auteur de Zaïre. Pendant quarante ans, ces deux hommes, entre lesquels il y avait pourtant une si grande différence de génie, furent liés intimement[2]. Plus de cinquante lettres de Voltaire sont adressées à Thibouville et, dans maint autre endroit de sa vaste correspondance, le grand homme parle du marquis presque toujours sur le ton d’une vive affection. Une fois où deux seulement il se plaint de lui et le tance, mais avec une douce colère, sur ce qu’il avait fait des changements à ses pièces, notamment à Sophonisbe et aux Lois de Minos. Il paraît qu’il reconnut plus tard,

    tine de Suède, et achetés, après sa mort, par le pape Alexandre VII, qui en enrichit la bibliothèque du Vatican (Montfaucon. Bibliothèque Bibliothecar., 1, 32)

  1. Dans une lettre à Thibouville, où Voltaire se plaint d’interpolations faites à son poëme, on voit qu’il veut indirectement désavouer ce vers ; mais on connait la valeur de ces désaveux obligés du malin vieillard.
  2. En 1767, Voltaire disait de Thibouville : « Il est mon ami depuis 30 ans. » (Lettre du 19 septembre au duc de Richelieu).