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la révolution du 18 brumaire, le gouvernement consulaire permit à ceux des émigrés, qui voulurent se soumettre à lui de revoir leur patrie, Thiard hésita d’autant moins à revenir en France, que son père, parvenu à un âge avancé, conservait une fortune considérable, dont la révolution n’avait pu le dépouiller sous aucun prétexte, et qui allait lui échapper s’il persistait à rester émigré. C’était, il faut en convenir, pour le jeune comte un puissant motif de hâter son retour. Très-bien accueilli par le nouveau gouvernement, il fut nommé membre du conseil général du département de Saône-et-Loire, puis chambellan à la nouvelle cour. C’est en cette qualité qu’il assista au sacre de l’empereur Napoléon, en 1804, à Paris, puis à celui de Milan, l’année suivante. Il entra ensuite dans la diplomatie et fut envoyé a Bade, pour y négocier ou plutôt, pour y imposer au grand-duc, un traité dont la conséquence immédiate fut de fournir trois mille hommes à l’armée impériale. Dès qu’il eut rempli cette facile mission, le comte de Thiard se rendit à Carlsruhe, où il fit accepter pour épouse à l’électeur la princesse Stéphanie de Beauharnais, puis à Stuttgard, où il remplit une mission plus délicate et non moins importante, ce fut de demander la main d’une princesse de Wurtemberg, pour le prince Jérôme, frère de Napoléon. Le succès de ces missions fut si agréable à l’empereur, qu’aussitôt il proposa au négociateur d’ètre son ministre à Florence, ou de remplacer M. de Rémusat dans la charge de grand-maître de sa garde-robe. Thiard, préférant la carrière des armes, se rendit à Raguse où il concourut, sous les ordres de Lauriston, à la défense de cette place qui soutenait un siége contre les Russes. Dès qu’elle fut délivrée, il alla joindre l’empereur en Prusse, où venait d’être remportée la mémorable victoire d’Iéna. Nommé aussitôt gouverneur de Dresde, il força l’électeur de Saxe à rester dans sa capitale, puis à se séparer des Prussiens, et il contribua beaucoup ensuite à le faire proclamer roi. Napoléon fut tellement satisfait du zèle de Thiard dans toutes ces circonstances, qu’il l’autorisa à communiquer directement avec lui, ce qui était un témoignage de la plus haute confiance. Mais le comte ne jouit pas longtemps de cette faveur. Resté toujours attaché à ses premières opinions, il ne voyait qu’avec peine Napoléon marcher au pouvoir absolu, et n’ayant personne à qui il pût faire part de ses chagrins à cet égard, il les communiquait à sa femme dans des lettres qui furent interceptées à la poste par ordre du souverain maître. Ce prince lui ayant témoigné son mécontentement, il s’en montra vivement offensé et, dès le lendemain il envoya sa démission de tous ses emplois. Selon son usage, Napoléon ne fit aucune réponse à ce premier message ; mais Thiard en ayant envoyé un second, puis un troisième, l’empereur, poussé à bout, lui infligea un ordre d’exil immédiat dans ses terres de Saône-et-Loire. Cette disgrâce dura deux ans, et ne finit que par l’intercession du roi de Saxe qui n’avait pas cessé de porter beaucoup d’intérêt au comte de Thiard. Bien que rendu à la liberté, selon ses vœux, celui-ci continua de vivre fort retiré, soit dans ses terres, soit à Paris, où il se trouvait en 1814, faisant le service de simple officier dans la garde nationale, lorsque l’armée des puis-