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pas la supporter. » — « Sire, j’aurai toujours assez de force pour combattre. » Et il se mit à la tète de sa division. Déjà un feu terrible avait commencé sur tous les points. Bientôt le maréchal Oudinot fut blessé et forcé de se retirer. Tharreau prit le commandement de tout le corps d’armée et avec son sang-froid et son courage ordinaires, il en dirigea tous les mouvements pendant le reste de cette sanglante journée. Il ne s’arrêta qu’à la nuit close, et lorsque tout combat eut cessé. Alors atteint d’un accès de fièvre il alla s’asseoir auprès d’un bivouac, et ne s’éloigna du champ de bataille que lorsqu’on l’emporta sur un hrancart. Pendant ce temps l’Empereur lui avait fait expédier un ordre de se rendre en Westphalie pour y rétablir sa santé ; mais il parvint à le faire révoquer, et resta avec sa division qu’il commandait encore à Wagram, où il eut un cheval tué sous lui, et perdit deux aides de camp et son chef d’état-major qui tombèrent à ses côtés. Après cette terrible et glorieuse campagne il ramena en France le corps d’Oudinot qu’il commanda par intérim, et reçut de l’Empereur l’autorisation de retourner dans sa famille, où il resta jusqu’au mois de mars 1812. A cette époque, mis à la tête de la première division du corps westphalien, commandé par Vandamme, sous les ordres immédiats du roi Jérôme, il partit pour cette guerre de Russie qui devait être si terrible et si funeste. Le roi ayant été forcé de retourner dans ses États, Tharreau s’était flatté de commander son corps d’armée ; mais le duc d’Abrantès s’étant alors trouvé sans commandement, il fallut lui donner celui que laissait vacant le départ du roi, et Tharreau se vit déçu d’un espoir très-fondé. Il ne continua pas moins de combattre avec le plus entier dévouement. Le corps westphalien avait alors passé le Borysthènes, et il était sur le flanc de l’armée russe dont il pouvait couper la retraite sur Moscow. Tharreau s’en aperçut, et ne voulant pas perdre un moment, il mit en marche sa division pour commencer une opération dont il attendait les plus heureux résultats. En même temps il fit prévenir le général en chef par son aide de camp Crozet. Mais contre son attente sa proposition fut mal accueillie. « Je ne le souffrirai pas, » dit Junot ; et sur de nouvelles instances, sur la déclaration formelle de Tharreau qu’il répondait du succès, le duc d’Abrantès ne répliqua que par ces dures paroles: « Je le ferai fusiller, s’il ne s’arrête pas. » Il fallut suspendre un mouvement déjà commencé, et renoncer à une opération dont le succès lui paraissait infaillible, ainsi que cela est très-exactement indiqué dans le quatorzième bulletin, daté de Smolensk le 23 août. « Les fuyards, y est-il dit, se retiraient sur les hauteurs de Valontina ; cette position fut enlevée par le 18e de ligne ; et sur les quatre heures après midi la fusillade s’engagea avec toute l’arrière-garde de l’ennemi, qui présentait environ quinze mille hommes. Le duc d’Abrantès avait passé le Borysthènes à deux lieues sur la droite de Smolensk ; il se trouvait déboucher sur les derrières de l’ennemi, et pouvait, en marchant avec décision, intercepter la grande route de Moscow, et rendre difficile la retraite de cette