Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1811 - Tome 3.djvu/48

Cette page n’a pas encore été corrigée

n’avait alors que dis-neuf ans, et s’essayait déjà à la souveraine puissance. A Rome, deux partis divisaient l’état, celui des républicains, qui avait fait périr César ; celui d’Antoine et de Lépide, qui prétendait le venger, et qui n’avait réellement d’autre intention que celle d’élever leur pouvoir au-dessus des lois. A cette époque, le dernier parti était triomphant, et le consul Antoine exerçait une autorité presqu’absolue. Octave alla d’abord visiter Cicéron, retiré à sa villa, près de Cumes ; il lui parut très-avantageux de faire entrer dans ses intérêts ce grand orateur, qui, éloigné des deux partis, conservait encore une grande popularité, et qui d’ailleurs haïssait et redoutait Antoine. Lorsqu’Octave approcha de Rome, la plupart des magistrats, des soldats et des citoyens, allèrent à sa rencontre ; mais Antoine ne daigna pas faire attention à son arrivée. La première démarche d’Octave fut d’obtenir la ratification légale de son adoption, ce qui se fit de la manière la plus solennelle. Il alla ensuite voir Antoine, lui offrit son amitié, et lui demanda l’argent que César avait laissé pour paver ses legs. Antoine, qui était blessé du ton de fermeté du jeune héritier de César, et qui croyait trouver en lui un obstacle à son ambition, le traita avec beaucoup de hauteur ; mais il ne put détruire l’ascendant que prenait Octave sur le peuple, et chaque jour son rival acquérait de la popularité, à mesure que lui-même perdait de la sienne. Les amis de la famille de César ménagèrent entre les deux rivaux une réconciliation, fondée sur l’intérêt qu’ils avaient l’un et l’autre de s’opposer au parti des républicains. Comme leur ambition était la même, il était difficile que leur union fût durable. Ils s’embrassèrent plusieurs fois, le cœur toujours dévoré de haine et de jalousie. Leur inimitié était si connue, qu’on accusa Octave d’avoir voulu faire assassiner Antoine. Voyant que son rival assemblait une armée, Octave se rendit en Campanie, réunit un grand corps des vétérans de Cesar, et revint à Rome, quoiqu’il n’y eût aucun caractère public et aucune autorité. Il affectait de se conduire toujours par les conseils de Cicéron, qu’il appelait son père. Voyant que le parti du sénat était très-puissant, il s’y réunit, et accepta un commandement dans l’armée qui devait marcher contre Antoine, déclaré ennemi de l’état. Il accompagna les troupes des nouveaux consuls Hirtius et Pansa, lorsqu’ils marchèrent à Modène pour secourir Décimus Brutus. Dans la première affaire de cette campagne, il donna lieu à ses ennemis de soupçonner sa bravoure ; dans la seconde, les historiens s’accordent à dire qu’il remplit tous les devoirs d’un général et d’un soldat. Les deux consuls périrent dans cette bataille, et la circonstance de leur mort parut si favorable à Octave, qui restait le maître d’une armée victorieuse, qu’il fut soupçonné, quoiqu’injustement, d’y avoir contribué. Octave ne resta pas long-temps dans le parti du sénat, qui lui préférait Décimus Brutus, l’un des assassins de César ; la haine qu’il portait aux chefs de ce nouveau parti, et le peu d’espoir surtout qu’il y trouvait de réaliser ses secrets desseins, le portèrent à se réconcilier avec Antoine, qui venait de réunir une armée très-nombreuse, et marchait en Italie, après en avoir été chassé. Octave, campé à Bologne, essaya, par le moyen de Cicéron, d’obtenir le consulat ; comme cette tentative ne réussit point, il eut soin de cacher son mécontentement, et s’occupa des moyens de se venger. Le sénat,