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des, comme dans les cours de la chrétienté. Des Ursins, successeur de Milly, ayant créé une nouvelle dignité de bailli capitulaire, pour les chevaliers de la langue d’Auvergne, le commandeur d’Aubusson en fut revêtu le premier, et, bientôt après, le grand-prieuré d’Auvergne lui fut déféré. La surintendance des fortifications de l’île lui fut confiée ; son esprit actif et son génie supérieur suffisaient à tout : il était l’ame et le bras du conseil de la religion. Les vœux des chevaliers et même du peuple l’appelaient à la grande maîtrise, lorsque la mort de Des Ursins, en 1476, le fit proclamer unanimement. D’Aubusson ne pouvait être élu dans des circonstances plus glorieuses, ni plus difficiles. Le conquérant de Constantinople, Mahomet II, menaçait l’île de Rhodes avec toute sa puissance. Le nouveau grand-maître fit tête à cet orage. Le port de Rhodes fut fermé, par ses ordres, avec une grosse chaîne ; de nouveaux forts, de nouveaux ouvrages furent construits, et tous les préparatifs d’une défense vigoureuse furent achevés avant l’apparition des Othomans. Ce fut en 1480 que leur flotte parut devant l’île, forte de cent soixante vaisseaux de haut bord, portant 100,000 hommes de débarquement, commandés par le pacha Paléologue, renégat de la race des derniers empereurs grecs, et qui s’était vendu au conquérant. Après un siége de deux mois, le grand-maître vit les Othomans découragés de la résistance, effrayés de leurs pertes, humiliés de leurs affronts, se rembarquer honteusement. D’Aubusson, qui, depuis le premier assaut, n’avait pas quitté les remparts et s’était toujours montré le premier aux postes les plus périlleux, rentra dans son palais, couvert de son propre sang et de celui des ennemis. Il remercia Dieu de ses succès, et bâtit, en actions de grâces, la magnifique église de Ste.-Marie de la Victoire. La mort de Mahomet II empêcha les suites terribles de sa colère et de sa honte ; il préparait, contre Rhodes, un second armement encore plus formidable, lorsqu’il mourut, en 1481. Sa mort laissa le trône à Bajazet II ; mais Jem, ou Zizime, son frère puîné, le lui disputait. Ce prince, vaincu, proscrit, poursuivi, demanda un asyle au généreux d’Aubusson, Le grand-maître l’accorda par humanité et par politique, et devint l’hôte et le protecteur d’un prince du sang des sulthans. Forcé, au bout de quelques mois, d’éloigner cet infortuné, que la haine de son frère cherchait à atteindre par le fer ou par le poison, le grand-maître accorda la générosité avec l’intérêt et la tranquillité de l’ordre dont il était chef, en faisant passer Zizime en France, sous la garde du chevalier de Blanchefort, et en le faisant garder dans la commanderie de Bourgneuf, en Auvergne. Le pape Innocent VIII exigea que le prince othoman fût remis entre ses mains : le grand-maître n’osa pas désobéir au souverain pontife, dont il dépendait immédiatement. Zizime passa à Rome, et d’Aubusson, pour prix da sa soumission, fut revêtu de la pourpre, en 1489. Cependant, les princes chrétiens, et Charles VIII à leur tête, préparaient une croisade contre les Othomans. D’Aubusson, indigné de la mauvaise foi de Bajazet, avait accepté l’honneur de la commander. La mort violente et imprévue de Zizime, dont on accusa le pape Alexandre VI, les jalousies des puissances alliées, dissipèrent cette grande entreprise. D’Aubusson, pénétré de douleur de voir son nom et son honneur compromis par la perfidie dont son illustre pro-