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trouver ces milliers d’ouvrages manuscrits et imprimés, anciens et modernes, nationaux et étrangers ; ces communications verbales, et cette tradition d’anecdotes de tout genre qui fournissent à la science des faits ses plus précieux matériaux ?

L’annonce d’un ouvrage par une société de savants et de gens de lettres est devenue une des plus ridicules et des plus impuissantes amorces qu’il soit possible maintenant de présenter à la crédulité du public. Souvent ces savants et ces gens de lettres anonymes ignorent tout et ne savent point écrire. Quelquefois aussi des noms justement honorés, arrachés par l’importunité ou même pris sans consentement, décorent gratuitement des Prospectus trompeurs, et sont ainsi plus ou moins innocemment complices de la fraude. Mais ici les écrivains sont nommés ; tous sont connus ; plusieurs ont de la célébrité ; les autres y aspirent, ou du moins prétendent à cette considération qui est le prix des travaux utiles. Tous leurs articles sont signés de leur nom ; et ce nom, quel qu’il soit, ils n’ont pas voulu le compromettre, en l’attachant à des choses qui ne fussent pas dignes de leurs travaux passés, ou qui formassent un préjugé fâcheux contre leurs travaux futurs.

Quelques personnes pourraient craindre que, d’un si grand nombre de collaborateurs, et de la diversité inévitable de leurs opinions sur plusieurs points, il ne résultât un défaut d’accord trop sensible, non pas dans le ton et le style, mais dans ce qu’on pourrait appeler l’esprit de l’ouvrage. Cette crainte serait chimérique. C’est aux faits principalement que les rédacteurs ont dû s’attacher ; or les faits sont d’une nature fixe et positive ; ils sont ou ils ne sont pas ; pour les admettre ou les rejeter, la critique offre des règles sûres que le raisonnement est loin de fournir lorsqu’il s’agit d’opinions. Quant aux jugements à porter sur les personnages et sur leurs actions ou leurs travaux, il est, en matière de morale et de goût, des principes certains, sur lesquels tous les hommes d’honneur et de sens sont d’accord, et qu’ils se font surtout une loi de professer dans ces ouvrages faits en société, et destinés à la masse entière du public, puisque là de brillants paradoxes, qui seraient à peu près sans gloire pour celui qui les aurait avancés, ne seraient peut-être pas sans danger pour l’entreprise commune. Enfin, les importantes divisions de cette espèce d’Encyclopédie historique ayant été partagées entre autant d’écrivains à qui elles étaient familières, on est sûr du moins de trouver, dans chacune d’elles, unité de principes et de vues. C’est véritablement dans un Dictionnaire historique fait par deux personnes, et encore plus par une seule, qu’il doit exister beaucoup de discordance et de disparate ; car, dans l’impossibilité d’avoir des idées propres sur les innombrables objets dont ils ont à s’occuper, ils sont forcés de prendre