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schéma devient insoutenable aussitôt qu’on se donne la peine de jeter un coup d’œil, même superficiel, sur l’historique de la conception. L’on oserait même dire qu’il est moins soutenable encore ici qu’ailleurs. Car rien ne serait plus vain que de vouloir nier la continuité, la solidarité entre l’atomisme grec et le nôtre ; au besoin l’exemple de Newton seul — aux convictions atomistes (quoi qu’on ait prétendu, en se prévalant de la boutade du hypotheses non fingo) si solidement assises et qui, en les formulant, invoque expressément les anciens — suffirait à rétablir les faits. Or, il n’y a, chez les penseurs de l’antiquité, rien qui permette de conclure à une origine telle que la postule la conception de M. Planck. Démocrite avait-il même conçu nettement la notion de loi, sous les espèces où elle nous apparaît actuellement ? Ce qui en fait douter, c’est le fait que deux générations plus tard encore, Aristote, si attentif à ce qu’avaient affirmé les atomistes, l’ignore apparemment. Et d’autre part, le même Aristote, l’homme au génie si universel et si pénétrant, expose, avec une précision qui ne laisse rien à désirer, d’où vient la conception de Démocrite : elle dérive de la doctrine éléatique de la permanence de l’être, l’être unique de Parménide ayant été morcelé pour « sauver les phénomènes » par l’existence et le déplacement de particules immuables.

La situation est, si possible, plus claire encore si, à l’atomisme de Démocrite, nous substituons celui d’Épicure. Du temps d’Épicure, en effet, nous ne pouvons en douter, le concept de loi, tel que le connaît la physique actuelle, se trouvait parfaitement dégagé, puisqu’une école philosophique très répandue, la stoa, proclamait la domination rigoureuse de la nécessité universelle dans les phénomènes naturels (cf. E. S., p. 121). Mais les épicuriens, précisément, rejetaient cette affirmation, ils étaient, comme nous le verrons tout à l’heure (p. 38 et suiv.), nettement indéterministes. Ainsi, là encore, il est manifestement impossible de supposer que l’image atomistique du réel ait été enfantée par la tendance déterministe. Alors que, d’autre part, M. Metz a fort bien montré que c’est le souci du réel qui explique la transposition, à l’aide de « corrections », des constatations imparfaites, relevées directement sur les instruments, en mesures hypothétiques et considérées comme absolument précises.

Toutefois, l’abandon de cette partie de la conception de M. Planck