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CHEZ LAVOISIER

ment il nous paraît essentiel d’avoir une fois abordé Lavoisier en se faisant l’âme d’un disciple de ce maître.

Avant d’entrer en matière, il nous faut prévenir et réfuter d’avance quelques objections concernant notre méthode de travail ; en premier lieu, on pourra nous reprocher, d’avoir tenté de comprendre Lavoisier à travers une œuvre qui consacre sa victoire, bien plutôt qu’à travers les efforts qu’il a tentés pour parvenir à construire son système ; notre réponse sera simple. La pensée de Lavoisier reste immuable et identique à elle-même à travers le déroulement de ses travaux et quelles que soient les circonstances où elle s’est exprimée ; sans doute, son expression a-t-elle été rectifiée, consolidée, perfectionnée à la suite d’un travail intense et prolongé, mais il est impossible de découvrir un changement ou une évolution dans ses affirmations essentielles ; la doctrine de la maturité est la même que celle de la jeunesse ; elle est devenue plus facilement saisissable ainsi qu’une comparaison entre les travaux de différentes époques l’établit sans conteste.

Cependant l’on pourrait nous objecter encore que la doctrine du Traité élémentaire de Chimie apparaît infiniment moins moderne que les fragments de cette doctrine distribués dans les mémoires ou dans divers opuscules. — Et cette objection ne serait pas totalement dénuée de fondement. N’oublions pas, pourtant que si les mémoires rendent parfois un son si actuel, cela tient peut-être à ce que nous orientons notre attention pour qu’il en soit ainsi, et qu’alors nous ne recherchons que cela seul qui fut révolutionnaire chez Lavoisier. Mais comme les mémoires ne contiennent pas l’exposé total de la chimie, — qu’ils portent presque toujours sur ce que M. Brunschvicg a appelé « vertu mathématique de la balance », vertu qui ne fut pas découverte par Lavoisier mais exploitée par lui avec une sûreté et une maîtrise qui permettent d’affirmer que son œuvre réalisa une étape importante des progrès de la conscience expérimentale, — ces mémoires ne nous livrent pas entièrement la pensée active de leur auteur, ou si l’on veut cette pensée ne s’y dégage pas dans tout son relief. Et nous voudrions ici rendre a la méthode suivie par Lavoisier sa pureté originelle.

Enfin pour que l’on ne nous reproche pas de simplifier à l’extrême la méthode de Lavoisier, ou que l’on ne reproche pas à la