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LA PHILOSOPHIE DE LA MATIÈRE

versellement reconnue ; mais, pour le but que nous nous proposons, il serait peu utile de nous faire le spectateur amusé des nombreux arguments alors échangés, de marquer les coups en suivant pour ainsi dire de l’extérieur et du point de vue du public la destruction du phlogistique. Quand Lavoisier écrit ce que l’on pourrait appeler ses mémoires de combat, il se fait l’avocat de ses propres doctrines, en même temps qu’il veut ruiner dans le jugement de ses lecteurs le prestige des doctrines rivales ; en lutteur acharné et qui appelle la victoire, il ne se lasse pas d’accumuler démonstrations irréprochables, raisonnements convaincants et expériences décisives ; avec un coup d’œil très sûr, il porte son effort sur les points faibles des théories adverses, il enlève rapidement leurs lignes de moindre résistance, et bientôt les systèmes attaqués, aussi bien construits qu’ils soient, tombent en ruines ; mais jusqu’à son triomphe éclatant, Lavoisier reste obstinément et vaillamment sur le champ de bataille, sans songer que ses partisans et adversaires pourraient vouloir deviner le secret motif de son effort ou si l’on préfère, l’orientation de sa mentalité.

Une fois la victoire obtenue, Lavoisier s’offrit à lui-même, en même temps qu’il l’offrit aux autres, la contemplation de son système de chimie qui calquait la pensée sur les faits expérimentaux, de telle manière qu’il fût impossible de savoir si les faits sont l’illustration de la théorie, ou la théorie une simple description des faits ; l’ouvrage qu’il publia en 1789 et qui malgré les circonstances troublées de l’époque révolutionnaire eut néanmoins grand succès, n’est ni savant ni difficile d’accès ; il ne contient pas un ensemble imposant de découvertes formant un nouveau chapitre de la science inaccessible au profane ; c’est un simple Traité élémentaire de Chimie qui s’adresse à tout le monde, aux curieux, aux débutants, aux étudiants comme aux savants, et qui fixa pour longtemps les premières notions indispensables à connaître pour le chimiste, professionnel ou amateur.

Nous n’allons pas comparer ce Traité élémentaire de Chimie avec un des ouvrages similaires parus dans le demi-siècle précédent signés même des noms alors célèbres de Juncker, Boerhaave, Shaw, Macquer, Beaumé, etc. Nous n’allons pas non plus insister sur ce qu’il y avait de nouveau, de révolutionnaire et de fécond dans la méthode de Lavoisier ; un tel examen a été fait bien souvent et il est toujours instructif de le reprendre ; toutefois, pour le reprendre fructueuse-