Page:Metzger - La philosophie de la matière chez Lavoisier, 1935.djvu/42

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
40
LA PHILOSOPHIE DE LA MATIÈRE

élever d’un même nombre de degrés la température de plusieurs corps égaux en poids ».

Enfin le calorique peut passer de l’état libre à l’état combiné ou inversement de l’état combiné à l’état libre, de sorte comme on s’exprimait alors qu’il existe une chaleur sensible et une chaleur latente.

Quand un corps prend l’état gazeux, il absorbe une grande quantité de calorique qui passe de l’état libre à l’état combiné quand ce même corps abandonne l’état gazeux, il émet du calorique qui en passant de l’état combiné à l’état libre se répand sous forme de chaleur sensible sur les corps environnants. Tel est le mécanisme de cette réaction qui est phénomène chimique autant et plus que phénomène physique[1].


Remarquons maintenant que si le calorique occupe un certain volume, s’il dilate tous les corps, il n’augmente pas cependant le poids de ces corps que l’on mesure à la balance ; la calorimétrie ne tente pas de mesurer le poids du calorique en le pesant. Le calorique, tout comme la matière subtile de Descartes et le feu de Boerhaave est donc, bien que Lavoisier évite d’attirer l’attention sur ce point, ce que la chimie du xixe siècle a nommé élément impondérable ; en langage Newtonien on peut dire que cet élément n’est pas sensible à l’attraction universelle, qu’il tend à se répandre uniformément à travers l’espace sans rechercher ni corps ni lieu privilégié, bref que le chimiste n’a pu découvrir aucun « aimant du feu »[2]. Et cependant ce même calorique, en qualité de réactif ou de corps doit, comme tous les autres corps, entrer ou sortir de la composition des mixtes lors des réactions matérielles.


Examinons un problème important qui semble aujourd’hui en marge de la théorie chimique, mais qui nous permettra de pénétrer

  1. Pour ne pas compliquer notre exposé, nous ne parlerons pas ici de l’état liquide qui résulte suivant Lavoisier de la puissance de la pression atmosphérique s’opposant violemment à la vaporisation instantanée du solide. Sans cet obstacle, les corps « passeraient brusquement de l’état de solide à celui de fluide élastique aériforme. Ainsi l’eau par exemple à l’instant même elle cesse d’être glace commencerait à bouillir », vol. I, p.7. « Il y a plus, sans la pression de l’atmosphère, nous n’aurions pas à proprement parler de fluides aériformes. En effet, au moment où la force de l’attraction serait vaincue par la force répulsive du calorique, les molécules s’éloigneraient indéfiniment, sans que rien limitât leur écartement si ce n’est leur propre pesanteur qui les rassemblerait pour former une atmosphère. (p. 8) ».
  2. Voir Newton, Stahl, Boerhaave.