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CHEZ LAVOISIER

fluides aériformes, ils instituaient de savantes expériences afin de mieux connaître et de mesurer la matière de la chaleur ; au moment où Lavoisier et Laplace entreprirent leurs recherches concernant la calorimétrie, les travaux de Crawford et de Joseph Black étaient universellement connus ; l’on admettait que la chaleur qui augmente le volume des solides en s’insinuant dans leur substance pourrait être substance matérielle, l’on admettait encore que cette chaleur pénétrant en quantité accrue dans ces solides qu’elle continuait à chauffer, les transformait en fluides, liquides ou vapeurs, jouant là le rôle de dissolvant universel que l’ancienne physique lui avait parfois attribué. Si la chaleur est corps, elle peut être utilisée comme réactif aussi bien que comme instrument, elle peut entrer à titre d’ingrédients dans la composition des mixtes, et elle est directement objet d’études pour le chimiste.

Boerhaave ne lui a-t-il pas consacré la plus grande partie de l’illustre traité du feu inséré dans ses éléments de chimie ? En nommant calorique le feu de Boerhaave qui dérivait lui-même de la matière subtile cartésienne, Lavoisier ne prétendit pas apporter à la science un élément encore inconnu ; il se proposa seulement d’incorporer à son système une série de découvertes fort importantes qu’il montra sous un jour nouveau ; le feu ou la matière de la chaleur termes jusqu’alors utilisés par les chimistes apportaient avec eux quelque trace des perceptions sensibles du « plus ou moins chaud » dont ils étaient primitivement dérivés ; le calorique va désormais être entièrement libéré de la sensation ; car si le calorique libre, c’est-à-dire qui n’est engagé dans aucune combinaison mais qui a de l’adhérence pour tous les corps, nous donne bien la sensation de chaud et fait monter les thermomètres, il existe un calorique combiné « qui est enchaîné dans les corps par la force d’affinité ou d’attraction et qui constitue une partie de leur substance ou même de leur solidité »[1].

On ne peut éliminer entièrement le calorique des diverses matières ; il existe même dans les solides, et par suite, nous n’avons aucun moyen direct de mesurer sa quantité absolue ; pourtant nous pouvons à l’aide du calorimètre mesurer son augmentation ou sa diminution ; « on entend par cette expression, calorique spécifique des corps, la quantité de calorique respectivement nécessaire pour

  1. Vol. I, p. 21.